«Guetna», la fête des dattes. Celle-ci se déroule du 15 juillet au 31 août, essentiellement dans les régions de l’Adrar, ayant pour capitale Atar, et celle du Tagant (centre), et à un degré moindre, dans l’Assaba et le Hodh occidental, situées dans le grand est mauritanien. Toutes ces régions, participent au festin de ce fruit béni depuis le temps du Prophète (PSL) et incontournable au moment de la rupture du jeûne du Ramadan.
Pendant cette période de Guetna, «les dattes fraîches appelées «Liblah» sont consommées sans modération», témoigne le vieux Mohamed, véritable habitué de ce rendez-vous, qu’il a vu défiler plusieurs décennies grâce au privilège qui lui offre plus 80 ans bien sonnés de présence dans le désert d’Adrar, cette étendue qui accueille les sympathiques hommes bleus, décrit avec emphase par le grand aventurier Antoine de Saint-Exupéry.
Un véritable festin
La ruée des Mauritaniens vers les zones précitées s’explique par des facteurs géographiques, notamment la présence d’oasis créant les conditions d’accueil des palmiers dattiers. Des zones qui accueillent, durant ce festival dédié aux dattes, plusieurs milliers de personnes venues de Nouakchott, Nouadhibou, Rosso et ailleurs, dont des nantis qui vont oublier, l’espace d’un instant de vie, l’air conditionné des salons cossus de Tevragh-Zeina, vitrine de la capitale mauritanienne.
Dans le passé, les populations venaient habiter les lieux abritant les plantes pendant toute la durée de la «Guetna». Mais le contexte a évolué aujourd’hui grâce au développement fulgurant des moyens de transport.
Ainsi, on peut désormais aller dans les palmeraies, couper les régimes et les ramener vers Atar, Tidjikja, Kiffa, Aïoun, pour élargir le cercle des participants au festin.
Toutefois, des individus continuent à résider dans les palmeraies pendant toute la période de la «Guetna».
L’usage du terme «festin» est amplement justifié pour ce genre de rendez-vous. Car au-delà d’une simple consommation de dattes, c’est un véritable cérémonial de l’art culinaire qui est développé pendant la période de la «Guetna» qui s’accompagne de la consommation d’une énorme quantité de viande et de diverses autres formes de pâtes spécialement conçues au goût des gourmets adeptes de ces regroupements.
Retrouvailles, musique, mode mariage
Le déroulement de la «Guetna» renvoie les reflets d’une manifestation avec de multiples dimensions: économique, sociale et culturelle.
Un phénomène parfaitement décrit par Idoumou Ould Mohamed, un des pionniers de la presse privée en Mauritanie, natif de la région du Tagant, dans un entretien avec «le360 Afrique». Il s’agit d’«un festival pendant lequel on se retrouve pour profiter de la cueillette des dattes arrivées à maturité. Des retrouvaille marquées par des manifestations culturelles, des spectacles à caractère musical, de la mode, des jeux, mais aussi et surtout, le temps des amoureux, qui se passent la corde au coup grâce aux liens sacrés de l’institution religieuse et sociale que représente le mariage, le tout est naturellement agrémenté par les poésies des nombreux poètes.
Pendant cette période, les populations des oasis gonflent. Leur nombre passe même du simple au double, parfois au triple du fait de la grande affluence des populations citadines».
Au delà, la «Guetna» sert également à maintenir et perpétuer les liens séculaires de parenté, de solidarité et consolider les alliances de toutes sortes, en permettant la jonction entre la ville et le campement, un mélange et des retrouvailles chaleureuses entre citadins et nomades.
On passe sous la tante (à table)
Une fois arrivés dans les oasis, les festivaliers de la «Guetna» exécutent un cérémonial en deux rites. La première phase est constituée par une période de pré-cueillette (essais). La deuxième étape représente la vraie cueillette : on coupe les régimes (dattes préparées pour être conservées). Cette deuxième phase s’accompagne d’une forte consommation de viandes, par l’abat quotidiennement de plusieurs cabris juvéniles. Il y a également de la bouillie préparée à base de blé et le «Blaz» : pâte préparée à base d’orge.
Tout cela montre clairement que dans la société mauritanienne, la propriété d’un palmier confère un immense prestige.
Enfin, notons tout de même que la cuvée 2016 de la Guetna a été contrariée par des problèmes liés au manque d’eau pour l’irrigation des palmerais et l’apparition du Charançon (un microbe qui affecte et détruit les plantes).