Mauritanie: l'histoire d'une gouvernance hantée par la gabegie

Mohamed ould Abdel Aziz, président de la Mauritanie.

Mohamed ould Abdel Aziz, président de la Mauritanie. . DR

Le 31/07/2017 à 16h48, mis à jour le 31/07/2017 à 19h25

Le concept de gabegie est au centre de tous les discours en Mauritanie depuis plusieurs années, malgré le contenu souvent contradictoire que lui donnent les membres de la classe politique, suivant qu'ils sont issus de la majorité ou de l'opposition.

Le concept de gabegie revient de manière récurrente dans la rhétorique de la classe politique mauritanienne, qu’ils soient issus de la majorité ou de l’opposition, depuis quelques années.

Dans ce pays, la pratique de détournement de deniers publics et de la prévarication était très rare et se limitait à du menu fretin, avant de se transformer en sport national favori avec l’ère des putschs militaires à partir du 10 juillet 1978.

Mais le 6 août 2008, l’auteur du dernier acte de rupture avec la légalité, suite à un coup d'Etat ayant renversé un gouvernement civil démocratiquement élu, Mohamed Ould Abdel Aziz s’engagea fermement à mettre fin à cette pratique emportant ainsi l’adhésion d’une importante frange de l’opinion nationale.

Toutefois, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts de la gouvernance et de la gestion des affaires publiques dans le pays au cours des 9 dernières années, même si le terme est reste dans le langage quotidien, en étant régulièrement travesti et galvaudé.

Ainsi, s’exprimant dans le cadre de la campagne référendaire en vue de l’adoption d’un projet révision constitutionnelle, cette semaine à Rosso (Sud), le président Mohamed Ould Abdel Aziz, a qualifié le sénat de «nid de la corruption» légitimant ainsi l’option de sa suppression.

Les sages ont répliqué en rappelant au chef de l’Etat qu’ils n’ont pas la gestion les deniers publics et l’attribution des marchés.

Pour mettre fin à cette polémique, le Pr Lô Gourmo, enseignant en droit, avocat et vice-président de l’Union des forces de progrès (UFP), pose une seule question, une interrogation capitale.

Il interpelle l’opinion en ces termes: «pourquoi, depuis le putsch de 2009, pas un seul dossier de détournement de fonds, trafic d’influence, abus de biens sociaux….. brandi par Ould Abdel Aziz, contre les membres de l’opposition, n’a jamais été soumis à un seul tribunal? Qu’est ce qui retient Abdel Aziz de traduire ces fameux gabegistes qu’il aime tant vilipender, devant les nombreux organes de contrôle qu’il maîtrise? Où sont les limiers de l’Inspection générale d’Etat (IGE)? Et les juridictions pénales? Et les commissions parlementaires? Pourquoi ne pas mettre en branle toute cette machinerie, pour que le peuple soit enfin édifié sur le sort de ses milliards d’ouguiyas, mystérieusement engloutis dans un trou noir intensément dense, en partie éclairé cependant, par les graves accusations portées par 2 commissions sénatoriales dont on comprend maintenant la hâte et l’acharnement du pouvoir à chercher à les enterrer en même temps que le sénat».

Par la voix de maître Lô, l’opposition démocratique met au défi le régime «de sortir les cadavres des placards, pour que chacun reconnaisse les siens, au lieu de brandir des ombres chinoises en guise d’armes de chantage. "Alors, taisez-vous Mrs les vendeurs d’écoles et tripatouilleurs de constitution", conclut-il.

Mohamed Ould Abdel Aziz s’est emparé du pouvoir en brandissant le sabre de la lutte contre la gouvernance fétide qui caractérise la gestion des affaires publiques en Mauritanie depuis 1978.

Mais dans l’histoire récente du pays-depuis une dizaine d’années- il s’avère quasiment impossible de trouver le nom d’un gros poisson jugé, reconnu coupable et condamné pour des faits de prévarication et de corruption, notent les observateurs.

Au cours des dernières années, les pourfendeurs du régime de Nouakchott ont pourtant dénoncé l’attribution de plusieurs marchés publics sur la base «de critères nébuleux» : réalisation du nouvel aéroport international de Nouakchott, attribution du marché de la centrale électrique duale de Nouakchott, construction d’un grand complexe religieux dont la principale composante est une mosquée pour 15 milliards d’ouguiyas, pas encore sorti de terre.

Par ailleurs, à l’occasion du sommet arabe organisé fin juillet 2016 à Nouakchott, une partie de la voirie de la capitale a été réhabilitée et les rues élargies, avec des marchés attribués sur des bases fortement contestées par une importante frange de l’opinion, etc.

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 31/07/2017 à 16h48, mis à jour le 31/07/2017 à 19h25