Mauritanie. Polémique: à qui appartient les 2 milliards de dollars gelés aux Emirats arabes unis?

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Le 09/03/2019 à 14h00, mis à jour le 09/03/2019 à 15h32

Deux milliards de dollars, supposés appartenir au président mauritanien Ould Abdel Aziz, sont gelés dans une banque aux Emirats arabes unis par les Américains. Plusieurs journalistes, qui ont fouiné dans cette affaire de blanchiment d'argent, ont été entendus par la police à Nouakchott.

Une énorme polémique secoue la Mauritanie actuellement. Il s'agit de l'affaire du gel d’un pactole de 2 milliards de dollars, placés dans un «fonds appartenant au peuple mauritanien». Certains présumeraient ce fonds, retrouvé dans une banque des Emirats arabes unis (EAU), appartenir au président mauritanien Mohamed ould Abdel Aziz. Un montant qui donne des vertiges en Mauritanie, de par son ampleur.

Les 2 milliards de dollars auraient été gelés sur injonction des autorités américaines. 

Cette «nouvelle» a été révélée dans un premier temps à travers les écrits de blogueurs locaux, repris par la presse internationale et les correspondants du quotidien londonien «Al Qods» et de la chaîne qatarie «Al Jazeera» à Nouakchott.

Le débat est alors relayé par les réactions de plusieurs associations mauritaniennes de lutte contre la corruption, et nombre d’hommes politiques, à l’image du député Abdel Salam ould Horma, président du parti «Sawab-opposition», et plusieurs dirigeants de Tawassoul, premier parti d’opposition.

A défaut de mettre un nom sur le propriétaire du compte gelé, à Nouakchott, certains n'hésitent pas à attribuer au président Mohamed ould Abdel Aziz ce montant colossal. 

Une situation qui a poussé le chef de l’Etat, en fin de règne, à réagir dans une stratégie de communication inhabituelle, contribuant au gonflement de la polémique.

Interrogé sur le sujet mercredi dernier, alors qu’il venait de prendre part à une réunion d’un Comité provisoire de gestion (CPG), chargé d’assurer le fonctionnement de l’Union pour la république (UPR), principal parti de la majorité en attendant un congrès prévu après juin 2019, le président Mohamed Abdel Aziz a servi une réponse laconique.

Ne voulant pas donner de l’importance à cette affaire, qu'une source proche du Palais de la République qualifie de «sans fondement et de manipulation grossière», le président n’a pas voulu s’épancher sur le sujet, soulignant que «seul le temps et l’histoire permettront d’éclairer l’opinion sur ce supposé scandale. Car beaucoup d’affaires similaires de détournements présumés, montées de toutes pièces, se sont dégonflées par la suite».

N'empêche, la polémique prend une nouvelle tournure. Selon le député de Sawab, «le gouvernement est interpellé et doit réagir pour éclairer la lanterne des Mauritaniens. Les autorités sont tenues de réagir pour préserver leur image et garder un minimum de crédit auprès des populations. Autrement, ce genre de manipulations pourrait avoir des conséquences catastrophiques».

Autre tournure: la justice et la police financière s'y sont mêlées. Elles ont convoqué et auditionné un certain nombre de journalistes, parmi lesquels notamment le célèbre blogueur arabophone, Abderahmane ould Weddady.

Selon ce dernier, la brigade financière de la DGSN lui aurait demandé de divulguer la source de ses informations, afin qu'elle puisse enquêter dans cette affaire. Face au refus des journalistes de dévoiler leur source, chacun affirmant qu'il l'a appris cette info dans un journal ou sur une TV, leurs documents de voyage ont été confisqués et ils doivent rester à la disposition de la police.

Enfin, sans démentir l'existence de ce fonds, Sidi Mohamed ould Maham, porte-parole du gouvernement, a expliqué que cette démarche des autorités sécuritaires et judiciaires envers les journalistes a pour objectif de tirer l’affaire au clair en partant du principe que les révélations sont venues de ces mêmes journalistes qui peuvent offrir des pistes.

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 09/03/2019 à 14h00, mis à jour le 09/03/2019 à 15h32