Mauritanie: le gouvernement accusé de bloquer une enquête sur les marchés de gré à gré

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Le 20/07/2017 à 18h21, mis à jour le 20/07/2017 à 18h26

Les sénateurs ont créé une commission d'enquête sur les marchés de gré à gré pour démentir les propos du président Mohamed Ould Abdel Aziz, selon lesquels, cette pratique n'existe plus dans le pays depuis son arrivée aux commandes. Mais ils affirment faire face à un blocage gouvernemental.

De nombreux cadavres se cachent dans les placards de la gouvernance en Mauritanie, malgré les propos du président Mohamed Ould Abdel Aziz, tenus il y a quelques années devant une immense foule à Nouadhibou (nord), et suivant lesquels, aucun marché de gré à gré n’a été autorisé dans le pays depuis son arrivée aux commandes.

En effet, une dizaine de membres du sénat ont accusé le gouvernement d’entraver le travail d’une commission d’enquête sur les marchés de gré à gré. Constituée depuis 2 mois, cette commission s'est exprimée ce jeudi au cours d’une rencontre avec la presse.

Le sénateur Mustapha Sidaty a saisi l’occasion pour expliquer le rôle législatif et de contrôle de l’action gouvernementale de la chambre «qui relève de ses prérogatives constitutionnelles. Une action juridiquement fondée et sans lien avec une perspective d’escalade dans un contexte de rapports tendus entre le président de la République et le sénat. L’absence de réaction des ministères et administrations publiques saisies dans le cadre de nos investigations montre clairement le niveau du gaspillage des ressources publiques, de la gabegie et l’ampleur record de la mauvaise gouvernance».

Apportant des précisions sur les ministères et entreprises ayant attribué des marchés de gré à gré, qui se retrouvent dans le viseur de la commission d’enquête du sénat, le sénateur Mohamed Ould Ghadda, président de celle-ci, évoque "un avenant de 2 milliards d’ouguiyas relatif à un marché pour la réalisation de conduite d’eau au PK 13 de Nouakchott, de la Société nationale de l’eau (SNDE) attribuée à une entreprise privée très peu connue. Un marché de la Société nationale industrielle et minière (SNIM), pour la fourniture de wagons, portant sur plusieurs dizaines de milliards d’ouguiyas, attribué à une entreprise chinoise, suivant la procédure du gré à gré, qui a débouché sur la livraison d’un matériel non conforme".

De même, "un marché de gré à gré d’un montant de 15 milliards d’ouguiyas, pour la construction d’un grand complexe comprenant une mosquée et des annexes multiples, attribué à la société NAJAH For Works...".

Dans leur réquisitoire, les sénateurs ont également mouillé la Société mauritanienne d’électricité (SOMELEC), pour une série de marchés de gré à gré, puis le ministère de l’Agriculture dans le cadre de la réalisation d’un canal près du fleuve Sénégal (dans le département de Keur Macène au sud-ouest du pays) attribué à STAM, une entreprise marocaine «dans des conditions nébuleuses».

La commission d’enquête du sénat sur les marchés de gré-à-gré à été mise sur pied dans un contexte politique marqué par une guerre larvée avec le président Mohamed Ould Abdel Aziz, suite à une initiative portant sur un projet de révision constitutionnelle qui prévoit la suppression de la chambre haute du parlement.

Face à ce spectacle au sein de la majorité présidentielle, une interrogation brûle les lèvres de nombreux observateurs, qui se demandent si ces sénateurs regrettent aujourd’hui leur soutien à un officier qui a perpétré un putsch le 6 août 2008, en réaction à un limogeage.

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 20/07/2017 à 18h21, mis à jour le 20/07/2017 à 18h26