Une vive polémique est née autour de l'épineuse question identitaire, entre certaines autorités actuellement aux commandes gouvernementales et la Centrale Libre des Travailleurs de Mauritanie (CLTM), l'une des trois plus importantes centrales syndicales du pays.
A l'origine de cette affaire, une rencontre entre le ministre de la Fonction publique, du travail et de la modernisation de l’administration, Seydina Aly ould Mohamed Khouna, et les centrales syndicales, le 28 décembre dernier.
Au cours de cette réunion, ce responsable gouvernemental a demandé de participer massivement à une marche contre «la haine et l’extrémisme» prévue au cours des prochains jours.
Cette manifestation sera organisée par l’Union Pour la République (UPR), principal parti de la majorité au gouvernement.
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Jugée «partisane», et donc partiale, cette démarche ministérielle a été catégoriquement rejetée par Samory ould Bey, Secrétaire général de la Centrale Libre des Travailleurs de Mauritanie (CLTM), organisation proche d'une importante mouvance anti-esclavagiste, l'Initiative pour la résurgence anti-escalavagiste (IRA).
Les esprits se sont alors échauffés et la tension est montée d'un cran entre ces syndicalistes et le ministre. Samory ould Bey, par ailleurs opposant, a d'ailleurs accusé, dans un post publié sur son compte Facebook, «un proche» de ce ministre de l’avoir menacé avec une arme à feu. Il a même évoqué un «syndrome rwandais qui guette[rait] la Mauritanie».
A la suite de cette sortie,Samory ould Bey a été interpellé, avant d'être libéré au bout de quelques heures seulement.
De nombreux syndicalistes présents lors de cette réunion, dont les organisations sont considérées comme proches de la majorité, ont contesté la version de ould Bey au sujet d'une menace qui aurait été effectuée avec une arme à feu.
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Depuis lors, les protagonistes de cette affaire se livrent à des sorties médiatiques toutes plus dénonciatrices du camp adverse les unes que les autres.
Ainsi, la CLTM a, hier soir, mercredi 2 janvier 2019, exprimé dans un communiqué «sa vive inquiétude au sujet de la dérive autoritaire» du régime du président Mohamed ould Abdel Aziz.
Le document fustige également «le mépris manifeste qui se développe vis-à-vis du peuple mauritanien à l’approche de l’échéance présidentielle de 2019» dont l’organisation devrait se situer entre avril et juin, selon les limites définies par la constitution.
La déclaration syndicale cite «des provocations multiples, visant toutes les voix discordantes, qui caractérisent le monolithisme des pouvoirs absolus, l’arbitraire, l’étouffement des libertés collectives et individuelles, la conduite de politiques tatillonnes et désastreuses pour la paix sociale».
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Face à cette situation, le Manifeste pour les Droits Politiques, Economiques et Sociaux des Haratines (MDPESH), un collectif regroupant les anciens esclaves, appelle à l’ouverture d’une enquête crédible, pour rétablir les faits dans leur véracité.
Et du côté du gouvernement, maître Sidi Mohamed ould Maham, porte-parole de l'équipe gouvernementale, et leader de l’Union Pour la République (UPR), a appelé «les internautes à éviter un usage pernicieux des réseaux sociaux, à travers une tentative d’instrumentalisation de la question des séquelles de l’esclavage, à des fins de déstabilisation de la Mauritanie».
Dans le même temps, le Forum National pour la Démocratie et l’Unité (FNDU), composé de partis politiques, organisations de la société civile, centrales syndicales et personnalités indépendantes, appelle à l’ouverture d’un dialogue national sur les questions identitaires pour créer les conditions d’un climat social apaisé.