Un activisme constant et soutenu de la part du tenant du pouvoir, le président Mohamed ould Abdel Aziz, dont on se demande si l’objectif final est de s’assurer une succession maîtrisée et bien contrôlée, ou une conservation pure et simple du pouvoir, à la manière de nombreux leaders africains, peu soucieux du respect des règles constitutionnelles, des convenances politiques et de leur peuple tout court.
Une première étape marquante, et même capitale des événements de l’année 2018 été l’organisation d’élections législatives, régionales et municipales les 1er et 15 septembre. A la clef, une écrasante victoire de l’Union Pour la République (UPR-principal parti de la coalition présidentielle) qui s’assure une large majorité dans la nouvelle assemblée nationale, au sein des conseils régionaux et au niveau instances de représentation locale (mairies), malgré une réelle résistance du Rassemblement National pour la Réforme et le Développement (RNRD/Tawassoul/mouvance islamiste), qui conserve son statut de première force de l’opposition.
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Aziz dans la campagne électorale Cette victoire du camp présidentiel a été acquise au forceps. En effet, dans un contexte pré vote, avec en toile de fond le débat sur un troisième mandat, Mohamed ould Abdel Aziz s’est jeté avec toutes les armes « conventionnelles » et « non conventionnelles » dans la campagne électorale, faisant le tour de toutes les régions du pays « au frais du contribuable » essuyant au passage les vives critiques de l’opposition. Une descente sur le terrain ponctuée par des déclarations sans équivoque à l’image de celle enregistrée à Néma (1200 kilomètres au Sud/Est de Nouakchott) « ceux qui réclament un troisième et même un quatrième mandat, doivent suivre mes consignes et voter en faveur de l’Union pour la république (UPR-principal parti de la majorité), dans le cadre des prochaines élections législatives, régionales et municipales ».
Ces propos trahissent à une sourde inquiétude, une grosse peur, née de la colère de plusieurs pontes de l’UPR, frustrés par les investitures contestées au sein de la formation. Sentant un feu incandescent sous la cendre, Mohamed ould Abdel Aziz ajoute, sur le ton de la menace « les frondeurs de l’UPR tentés par le vote sanction ne peuvent pas être considérés comme des soutiens pour le régime, favorable au président de la République.
Car notre alliance ne peut être perçue, mesurée et jugée qu’à travers le verdict des urnes ». Après cette sortie, on se demande si les propos présidentiels sont l’expression de la volonté irascible d’un homme déterminé à rester au pouvoir au-delà des limites constitutionnelles ? Ou juste des déclarations relevant d’une stratégie visant à enrayer une vague de mécontentement à l’origine d’une fronde dans les rangs de la machine électorale présidentielle ?
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Passées ces échéances électorales, un nouveau premier Ministre, Ahmed Salem ould Béchir, qui était jusque là aux commandes de la Société Nationale Industrielle et Minière (SNIM), est chargé de former un gouvernement. Un exercice d’une ampleur plutôt limitée, dont le fait marquant a été l’arrivée au ministère de la défense, du Général Mohamed ould Ghazouani, soutien constant loyal du président Mohamed ould Abdel Aziz, qui occupait jusque là le poste de Chef d’Etat Major Général des Armées (CEMGA).
Une « promotion » objet de plusieurs analyses parfois contradictoires. La première grille de lecture suggérait une mise sur orbite pour la succession du président de la République, dont le bénéficiaire est un homme de consensus, bénéficiant d’une redistribution des cartes, dans un contexte politique passablement tendue.
Aux antipodes de cette thèse, d’autres analystes exprimaient la crainte d’une « promotion » ministérielle susceptible de se transformer en un tremplin vers le vide, pour un officier général appelé à quitter les drapeaux sous peu, et qui deviendrait du coup un ministre comme les autres, donc à la merci d’un décret présidentiel.
Fin au débat sur le 3é mandat ? S’exprimant dans un entretien accordé à la presse étrangère, en marge du Festival des Villes Anciennes de Mauritanie (FVAM), organisé fin novembre dans la cité historique de Walata, le président Mohamed ould Abdel Aziz semble avoir mis fin à l’impertinent débat sur le troisième mandat.
« Non, je ne suis pas candidat à un 3é mandat. Je suis sensible à tous les appels, j’écoute tout le monde. Les appels de mes partisans en vue d’un maintien au pouvoir. Mais il y a aussi ceux militent pour la limitation des mandats. De toutes les façons, je suis là pour respecter et faire respecter la constitution. Celle-ci limite à deux (2) le nombre de mandats du président de la République. Cependant, je vais continuer mon engagement politique en faveur de la Mauritanie. Je resterai ici au pays, sur la même voix, et dès que la constitution le permettra je me présenterais à nouveau ».
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En attendant de savoir si la polémique sur le 3é mandat de Mohamed ould Abdel est définitivement close, ou simplement différée à la présidentielle 2024, voici ce que prévoit l’article 28 de la constitution du 20 juillet 1991, modifiée par voie référendaire le 25 juin 2006 « le président de la république est rééligible une seule fois ».
L’article 29 de la loi fondamentale ajoute « avant de rentrer en fonctions, le président de la République prête serment en ces termes : je jure par Allah l’unique, de bien et fidèlement remplir mes fonctions, dans le respect de la constitution et des lois, de veiller à l’intérêt du peuple mauritanien, de sauvegarder l’indépendance et la souveraineté du pays, l’unité de la patrie et l’intégrité du territoire nationale. Je jure par Allah l’unique, de ne point prendre ni soutenir directement ou indirectement, une initiative qui pourrait conduire à la révision des dispositions constitutionnelles relatives à la durée du mandat du président de la République et au régime de son renouvellement, prévues aux articles 26 et 28 de la présente constitution ».
Réagissant à cette déclaration, le Pr Lô Gourmo, vice-président de l’Union des Forces de Progrès (UFP-opposition), note que le président de la République « admet désormais sans fioriture ne pouvoir se représenter pour un 3é mandat en ce qui concerne la prochaine élection présidentielle. Il va quitter le pouvoir. Mais il ajoute, comme pour consoler ses soutiens, orphelins de ce troisième mandat ».
Ce qui explique la phrase de la fin du discours « je pourrais me représenter après. Mais pour le Pr Lô, qui est par ailleurs un spécialiste du droit « il s’agit d’une interprétation insolite d’une disposition constitutionnelle claire et nette. Le cas de la Mauritanie est radical, deux (2) mandats, et tout est fini pour toujours ».