A l’approche de la fin de son deuxième et (normalement) ultime mandat, Mohamed Ould Abdelaziz vient de boucler un mois marqué par une frénétique activité politique et médiatique. Objectif: briguer «un 3e, 4e ou 5e mandat, voire plus». C’est en tout en cas en ces termes qu’il s’est publiquement exprimé, à la veille des récentes élections législatives, régionales et municipales qui se sont déroulées en Mauritanie les 1er et 15 septembre derniers.
Elections durant lesquelles le président sortant n’a pas hésité à descendre dans l’arène partisane, comme s’il était lui-même candidat à un poste de député, de conseiller régional ou municipal.
En réalité, en faisant campagne en faveur des candidats de l’Union pour la république (UPR), parti qu’il a créé en 2009 suite à son second coup d’Etat militaire qui a renversé Sidi Ould Cheikh Abdallahi (le premier ayant eu lieu en 2005 contre Maaouiya Ould Sid'Ahmed Taya) en 2008, l’ancien général s'est ainsi constitué comme le premier maillon d’une chaîne de «manœuvres» qui le retiendraient au pouvoir, en violation de la loi fondamentale du pays.
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Ainsi, durant tout le délai légal de la campagne électorale, dès le 15 août dernier, Ould Abdelaziz a mobilisé les avions de l’armée mauritanienne et parcouru des dizaines de milliers de kilomètres pour aller tenir des meetings dans toutes les grandes villes du pays. Le message qu’il a voulu faire passer est clair: voter massivement en faveur des candidats de l’UPR, c’est installer une assemblée nationale majoritaire qui pourra modifier la constitution, et donc la règle des deux mandats, sans avoir besoin de passer par un périlleux référendum populaire.
En plus de ces meetings électoraux en faveur de son parti, Ould Abdelaziz a tenu trois conférences de presse en l’espace de quatre semaines. La plus récente a eu lieu le jeudi 20 septembre, et Ould Abdelaziz y a affirmé, en réponse à l’inévitable question sur son intention de briguer un 3e mandat: «je n’ai pas visité une seule ville ou un seul patelin sans entendre les gens me demander de faire un 3e mandat (…). J’ai toujours répondu à ces sollicitations en disant que ceux qui veulent un 3e mandat doivent donner une majorité écrasante à l’UPR au sein de la future assemblée nationale».
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Selon lui, «la Constitution n’est pas un texte sacré et peut être modifiée, partiellement ou totalement, à tout moment. Même ses articles relatifs à la révision constitutionnelle peuvent eux-mêmes être révisés.»
Or, puisque l’UPR a aujourd’hui cette majorité parlementaire écrasante pour laquelle Ould Abdelaziz a fait âprement campagne, et que la constitution est, à ses yeux, un texte non sacré, malléable et modifiable à volonté, une voie expresse s’ouvre ainsi devant celui que ses détracteurs ont toujours appelé le «serial putschiste».
Une autre façon pour Ould Abdelaziz de dire, que sur le plan national, sa légitimité repose, in fine, sur la seule force militaire, grâce à laquelle il est arrivé à monopoliser les pouvoirs politique et économique du pays.
En effet, seule la légitimité internationale compte pour cet arriviste militaire, sans bagage intellectuel, éclaboussé qui plus est par des affaires louches comme un modus vivendi présumé avec certains groupes terroristes au Sahel, une affaire de blanchiment d’argent (le Ghanagate), sans compter l’énigmatique balle de Tweïla qui l’a cloué sur un lit d’hôpital à Paris pendant plusieurs semaines…
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D’où la multiplication ces derniers temps de messages subits adressés avec bienveillance tant à l’Occident qu’aux pays frontaliers avec la Mauritanie.
Faisant les yeux de Chimène à la France et aux USA, les deux grandes puissances que Ould Abdelaziz semble le plus craindre au monde, ce dernier n’a rien trouvé de mieux que de s’attaquer au 2e parti du pays et 1er parti d’opposition, le parti Tawasoul (islamistes modérés), qualifié du jour au lendemain d’extrémiste et de terroriste.
Pourtant ce parti est présent pour la troisième législature d’affilée à l’assemblée nationale, et c’est Ould Abdelaziz lui-même qui a offert aux islamistes la direction de l’opposition démocratique, après que l’opposition radicale ait boycotté les précédentes élections législatives et municipales et le dernier scrutin présidentiel. Il semblerait, selon nombre de médias mauritaniens, que Ould Abdelaziz chercherait une confrontation, à l’égyptienne s’il le faut, avec des islamistes mauritaniens plutôt adeptes de la non-violence.
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Allant plus loin dans son clin d’œil à l’Occident, c’est aussi Israël qui trouve subitement grâce à ses yeux. Il a même promis de prendre des mesures qui pourront aller jusqu’à la dissolution de Tawassoul. Un centre universitaire de formation des Oulémas, censé être proche de ce parti, a d’ailleurs été fermé le 24 septembre dernier manu militari, ainsi qu’un supermarché appartenant à un islamiste, en attendant le sort que va connaître une chaîne de TV privée également jugée proche des islamistes.
Les pays voisins de la Mauritanie ne sont pas en reste dans cette opération de séduction de ce postulant à un 3e mandat. Ainsi, le Maroc et le Sénégal, à l'encontre desquels Ould Abdelaziz a soufflé le chaud et le froid pendant quelque dix ans, et qui auraient certainement aimé le voir partir, sont subitement l’objet de tous ses égards à travers l’aplanissement de certains «différends» dans la perspective de sa continuité au pouvoir.
Pour l’Algérie, au nez de laquelle Ould Abdelaziz avait claqué la porte des frontières communes, elle se voit consentir l’ouverture d’une brèche sous forme d'un nouveau poste-frontalier, dont le seul objectif non déclaré est de servir de voie de détournement, par les dirigeants du polisario, de l’aide alimentaire destinée aux camps de Tindouf, et vendue illégalement dans le nord de la Mauritanie et au Sahel.