Avec un ver dans le fruit, le système démocratique mauritanien, suivant la configuration actuelle, envoie les signaux d’un décollage raté et serait inapte à garantir une véritable alternance, selon l’avis d’un certain nombre de politiques ayant réagi à la volonté du président Mohamed Ould Abdel de respecter les dispositions de la constitution; et quitter le pouvoir en 2019, à la fin de second mandat.
Le chef de l’Etat a rappelé son serment de ne pas briguer un troisième mandat interdit par les articles 28 et 29 de la constitution du 20 juillet 1991, modifiée par voie référendaire le 25 juin 2006, et ce à travers un entretien fleuve paru dans la livraison de l’hebdomadaire panafricain "Jeune Afrique" lundi dernier.
Pour la Convergence démocratique nationale (CDN), un parti dirigé par maître Mahfoudh Ould Bettah, qui fût bâtonnier de l’Ordre national des avocats (ONA) et ministre de la Justice sous la transition militaire de 2005 à 2007, «l’organisation d’élections démocratiques, libres et transparentes en Mauritanie est impossible».
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Un challenge inaccessible du fait de la culture et de nombreuses pratiques antidémocratiques: absence d’une institution crédible de régulation du processus électoral, mais aussi «les moyens de l’Etat toujours mobilisés en faveur d’un camp et au détriment des autres candidats, la justice victime de subordination, les chefs des forces armées et de sécurité toujours engagés à fond en faveur de l’un des prétendants au fauteuil présidentiel».
Autant de tares dont le résultat «est toujours une mascarade à l’image du spectacle servi lors du référendum constitutionnel du 05 août 2017».
Dans une déclaration publiée mardi soir, la CDN engage la responsabilité du président Mohamed Ould Abdel Aziz «dans une perspective de graves troubles», synonymes de déstabilisation du pays, dans le cas où le chef de l’Etat «ne mettrait pas en place les bases et mécanismes à même de garantir des élections transparentes et honnêtes, après avoir détruit l’unique expérience démocratique qu’a connue le pays et trahi le libre choix des Mauritaniens».
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A travers ce dernier passage, le communiqué du parti rappelle le coup d’état du 06 août 2008 contre le régime du président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallah.
Sur le même ton, l’Union nationale pour l’alternance démocratique (UNAD), un parti dirigé par l’homme d’affaires Abdel Ghoudouss Ould Abeina, qui vit hors de Mauritanie depuis plusieurs années, annonce sa détermination «à ne pas accepter le plan de remplacement du président Mohamed Ould Abdel Aziz par un pilier de son régime».
En effet, pour cette formation, «il convient de se préparer à affronter le plan du système consistant à choisir parmi les piliers du régime actuel un remplaçant pour Mohamed Ould Abdel Aziz à l’expiration de son mandat».
Une option qui signifierait pour l’UNAD «la poursuite de la corruption, du pillage des ressources nationales et de toutes les injustices».
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Ces deux partis politiques évoluent dans la mouvance de l’opposition farouche au régime du président Mohamed Ould Abdel Aziz. Cependant, ils ne sont pas membres du Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU).
Par ailleurs, depuis la publication des propos du président de la République portant sur sa volonté de respecter la constitution, des dizaines de manifestants se retrouvent chaque jour devant les grilles du palais présidentiel pour réclamer un troisième mandat.
De retour de Bruxelles il y a quelques jours, Mohamed Ould Abdel Aziz est même descendu de sa voiture pour serrer la main de ces dames qui le supplient de ne pas les abandonner dans la tourmente de l’incertitude des lendemains.
Commentant ce spectacle, Lô Gourmo Abdoul, vice-président de l’Union des forces de progrès (UFP), un parti membre du FNDU, raille «des manifestations orchestrées de toutes pièces devant le président de la République pour réclamer un troisième mandat impossible, qui ne doivent pas faire illusion. Elles sont destinées à créer la confusion et à préparer l’option "B" tout aussi inacceptable, d’un dauphin du sortant. Ni le troisième mandat, ni le dauphin imposé. Des élections libres, démocratiques et apaisées. Voilà la seule option viable pour le pays. Tout autre est vouée à l’échec».