Mauritanie. Racisme: une députée explique son refus de marcher aux côtés de Ould Abdel Aziz

Le 25/01/2019 à 13h19, mis à jour le 25/01/2019 à 13h22

Coumba Dada Kane, députée de l'Initiative de Résurgence du mouvement Abolitionniste (IRA -opposition) explique son refus de participer à la marche contre "l'extrémisme et le discours haineux" organisée à Nouakchott, le 9 janvier dernier, par le principal parti de la majorité gouvernementale.

Coumba Dada Kane, députée de la coalition SAWAB/RA (opposition) a tenu à expliquer son refus de prendre part à cette marche nationale dénonçant «l’extrémisme et le discours haineux» initiée par l’Union Pour la République (UPR -principal parti de la majorité), organisée le 9 janvier dernier à Nouakchott. 

Cette députée élue du parti de l’Initiative de Résurgence du mouvement Abolitionniste (IRA), allié au parti nationaliste arabe SAWAB est revenue sur son boycott, lors d'une séance plénière à l’assemblée nationale, mardi 22 janvier dernier. 

A la tête de cette gigantesque procession dans la capitale, se trouvait pourtant le président de la République islamique de Mauritanie, Mohamed ould Abdel Aziz, entouré de tous les membres du gouvernement, qui ont battu le pavé sur plusieurs kilomètres, empruntant l’une des principales artères de la capitale mauritanienne.

«Je n’ai pas marché le mercredi 9 janvier, et je m’en félicite. Ce refus est une manière de réaffirmer mes convictions profondes. Ne pas participer à une telle supercherie me permet de rester en harmonie avec ma conscience et celle des citoyens mauritaniens, qui m’ont fait l’honneur de m’élire pour les représenter au sein de cette assemblée nationale. Car cette marche est d’une absurdité kafkaïenne. Elle est la manifestation d’un pouvoir qui ne se trompe pas de diagnostic, mais qui cherche à distraire les citoyens, en se moquant, d’une certaine manière, de leur misère: c’est du sadisme. Le pouvoir de Mohamed ould Abdel Aziz est difficile à comprendre. Car, avec lui, rien n’est constant, tout est fait au gré des humeurs et de contingences opportunistes. Dans la lutte contre le terrorisme, on a cherché à identifier les causes pour mieux combattre le fléau. Cette démarche scientifique a été vite et volontairement oubliée, lorsqu’il s’est agi de combattre le racisme et le discours de la haine», a ainsi, longuement et virulemment, expliqué Coumba Dada Kane. 

Pire encore, la députée de l’IRA a enchaîné ces propos en accusant ensuite le régime d’être «le véritable maître d’œuvre de la fracture de la cohésion nationale».

Car, pour Coumba Dada Kane, la véritable source «de la haine est la cristallisation des frustrations qui pousse le mal-être au paroxysme. Ainsi, en organisant cette marche, le pouvoir vient de se désavouer et de montrer sa mauvaise foi», devant l’impérieuse nécessité de rassembler et de réconcilier les mauritaniens.

En fait, selon la députée, «ce qui intéresse [le pouvoir, Ndlr], c’est le populisme, faire foule au non d’une cause juste, mais s’en servant juste comme prétexte. C’est de l’hypocrisie. Ce n’est pas à la fin de son "règne" que Mohamed ould Abdel Aziz devrait chercher à régler la lancinante question de la cohabitation et de l’unité nationale».

Pour venir à bout de ce problème, la députée préconise un Etat fort, au-dessus des communautés et des tribus. 

Et de fait, Coumba Dada Kane de plaider, devant les députés, pour un véritable Etat de droit, dont le processus de mise en place requièrera un temps dont ne dispose pas un président de la République, à quelques mois de la fin de son second et ultime mandat.

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 25/01/2019 à 13h19, mis à jour le 25/01/2019 à 13h22