Mauritanie: le pouvoir certain de la victoire de son candidat, l’opposition croit à l’alternance

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Le 21/06/2019 à 18h27, mis à jour le 21/06/2019 à 18h28

La campagne pour l’élection présidentielle en Mauritanie s’est achevée jeudi soir dans une ambiance de kermesse, à deux jours d’un scrutin dont le vainqueur devra relever le défi de conjuguer développement, progrès en matière de droits humains et préservation d’une stabilité chèrement acquise.

Ce vote doit marquer la première transition entre un président sortant et son successeur élu dans ce vaste pays désertique d’Afrique de l’Ouest. Mais les cinq adversaires du candidat du pouvoir, l’ex-général Mohamed Ould Cheikh Mohamed Ahmed, dit Ould Ghazouani, dénoncent des risques de fraude.

“La sécurité du pays est au-dessus de tout”, a affirmé M. Ould Ghazouani lors de son ultime meeting jeudi soir sur le site de l’ancien aéroport de la capitale, devant quelque 10.000 personnes, dont de nombreux jeunes, qui l’ont attendu pendant des heures au son de chansons traditionnelles et de rap.

Arrivé au pouvoir par un coup d’Etat en 2008, Mohamed Ould Abdel Aziz, qui était alors général, s’est ensuite fait élire en 2009, puis réélire en 2014 lors d’un scrutin boycotté par les principaux partis d’opposition.

Il a assuré la stabilité de ce pays de 4,5 millions d’habitants frappé dans les années 2000 par des attentats jihadistes et les enlèvements d’étrangers en menant une politique volontariste: remise sur pied de l’armée, surveillance accrue du territoire et développement des zones reculées.

Pour lui succéder au terme de ses deux mandats constitutionnels, le pouvoir a choisi comme candidat son compagnon de toujours, qui a été chef d’état-major pendant dix ans, puis quelques mois ministre de la Défense.

Le précédant à la tribune du meeting, le président sortant a appelé à voter sans hésitation pour M. Ould Ghazaouani, “le prochain président”.

“Il n’y a que deux choix, soit le retour en arrière, c’est-à-dire l’extrémisme, la gabegie et l’instabilité, soit votre candidat qui poursuivra ce qui a été accompli pour la construction d’un Etat stable et développé”, a-t-il lancé.

Le rassemblement a été survolé à plusieurs reprises par un petit avion qui a largué en direction de la foule des fac-similé du bulletin de vote pour M. Ould Ghazaouani, que ses partisans sont invités à glisser dans l’urne samedi.

– “Tourner la page” –

Mais celui qui apparaît comme son rival le plus sérieux, l’ancien chef de gouvernement de transition (2005-2007) Sidi Mohamed Ould Boubacar, estime que “la majorité des Mauritaniens a envie de tourner la page de ces 10 dernières années”, dans un entretien à l’AFP jeudi.

M. Ould Boubacar, “candidat indépendant” soutenu par une large coalition comprenant le parti islamiste Tewassoul, principale formation d’opposition, ainsi que par le puissant et richissime homme d’affaires Mohamed Ould Bouamatou, a réuni jeudi soir des milliers de ses partisans dans un stade comble de Nouakchott.

Il a mis en garde contre les risques de fraude, tout comme les autres candidats de l’opposition, dont le militant antiesclavagiste Biram Ould Dah Ould Abeid, déjà présent en 2014, liés par un engagement à se soutenir en cas de second tour le 6 juillet.

Lors d’une conférence de presse qui s’est achevée tard dans la nuit, le président sortant s’est cependant déclaré convaincu que son dauphin serait élu “dès le premier tour”.

Devant ses partisans, M. Ould Ghazouani s’est aussi engagé à “mettre fin aux inégalités, aux disparités entre les différentes composantes de la société”.

Il faisait notamment allusion au contraste entre les situations des communautés arabo-berbère, haratine (descendants d’esclaves de maîtres arabo-berbères, dont ils partagent la culture) et afro-mauritanienne, généralement de langue maternelle d’ethnies subsahariennes.

Les critiques de la Mauritanie se focalisent sur les droits humains. Amnesty International et une trentaine d’ONG ont ainsi appelé le 3 juin les six candidats à signer un manifeste contenant 12 engagements, notamment de lutter contre l’esclavage et les violences faites aux femmes.

Les prétendants ont promis une amélioration des conditions de vie, alors que la croissance économique, de 3,6% en 2018, bien qu’en amélioration, reste insuffisante par rapport à la croissance démographique, selon un rapport de la Banque mondiale (BM) publié en mai.

La BM salue le rétablissement de la “stabilité macroéconomique”, avec des projections de croissance annuelle de 6,2% en moyenne sur la période 2019-2021. Mais elle appelle à lever les obstacles au secteur privé, citant en premier lieu les difficultés d'”accès au crédit” et “la corruption”.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 21/06/2019 à 18h27, mis à jour le 21/06/2019 à 18h28