Mauritanie: les bonnes dispositions de Ghazouani pour la concertation

Le président mauritanien Mohamed Cheikh El Ghazouani.

Le président mauritanien Mohamed Cheikh El Ghazouani. . DR

Le 08/08/2020 à 13h57, mis à jour le 08/08/2020 à 13h59

Après une année au pouvoir, Mohamed Cheilkh el-Ghazouani compte s'attaquer aux vrais maux de la Mauritanie: unité nationale, esclavage, corruption, etc. C'est ce que révèle l'opposant Mohamed ould Maouloud, de l’Union des Forces de Progrès (UFP), à l'issue d'une audience accordée par le président.

La Mauritanie est un pays historiquement déficitaire en matière de culture démocratique et de dialogue politique, après une succession de régimes autoritaires comme celui de Maaouya ould Sid’Ahmed Taya (pendant prés de 21 ans) et de Mohamed ould Abdel (qui a dirigé le pays durant 11 années).

Ces pouvoirs ont eu pour chefs des officiers rentrés dans le paysage politique par effraction, à la faveur de changement anticonstitutionnel.

Le pays va-t-il prendre une trajectoire différente sous le règne de Mohamed Cheilkh el-Ghazouani, investi depuis le 1er août 2019?

Ancien général, ce dernier est rentré au Palais de la République à la faveur d’un changement conforme à la constitution, mais sur la base d’un scrutin présidentiel dont les résultats ont été contestés pour «fraude» par ses adversaires.

Cependant, au-delà de cet épisode initial, le style du nouveau chef de l’Etat, qui a brisé la glace avec les opposants au pouvoir précédent, nourrit l’espoir d’un dialogue politique permanent.

En effet, Mohamed Cheikh el-Ghazouani affiche une grande ouverture d’esprit par rapport à toutes questions importantes pour la vie politique du pays, selon une déclaration publiée mercredi 5 août par l’Union des forces de progrès (UFP/opposition).

Cette information ressort d’un communiqué de presse livrant le compte rendu d’une audience que le chef de l’Etat a accordée au président de l’UFP, Mohamed ould Maouloud.

Le leader «a rencontré le chef de l’Etat mardi après midi, à sa demande et au nom de la coalition des Forces du changement démocratique (FCD), constituée de l’Union des forces de progrès (UFP), du Rassemblement des forces démocratiques (RFD) et de l’Union nationale pour l’alternance démocratique (UNAD)».

Cette coalition avait soutenu la candidature de Mohamed Maouloud à l’élection présidentielle du 22 juin 2019.

Au cours de cette audience, «les entretiens ont porté sur les questions de l’unité nationale, de l’esclavage et du processus démocratique, dont le traitement consensuel est actuellement possible grâce au climat d’apaisement qui prévaut entre les acteurs politiques et qui rend le pays plus à même de faire face à la crise et aux défis futurs que pose la pandémie du coronavirus (Covid-19), pour la paix, la sécurité et la prospérité. Le président Ghazouani s’est montré ouvert et favorable à la concertation sur toutes ces questions».

Une lecture entre les lignes du contenu de ce document renvoie à de nombreux problèmes ayant constitué une pomme de discorde entre différents pouvoirs et les courants politiques issus de la mouvance nationaliste négro-africaine et abolitionniste, dont les leaders dénoncent régulièrement «l’exclusion» de leur communauté et des «pratiques esclavagistes, couverts par l’impunité» malgré une législation abondante adoptée au cours des dernières années.

Parmi les enjeux d’unité nationale en Mauritanie, on peut également évoquer l’usage des langues nationales dans le système éducatif et la revendication d’une solution satisfaisante au passif humanitaire de la période de la fin de 1990 au début 1991. Celle-ci a vu sur les exécutions extra judiciaires de plusieurs centaines de militaires. Ces faits sont couverts par une loi d’amnistie adoptée en 1993, mais elle est fortement contestée par les proches des victimes et les ONG de défense des droits humains.

Sous l’autorité du président démocratiquement élu Sidi Mohamed ould Cheikh Abdallahi, la Mauritanie s’était placée sur une trajectoire de concertation, afin de rechercher une approche consensuelle pour toutes ces questions.

Un élan brisé net par le putsch du 6 août 2008, qui a porté le général Mohamed ould Abdel Aziz au pouvoir.

Depuis sa prestation de serment le 1er août 2019, rappelle-t-on, le président Mohamed ould Ghazouani a rencontré la quasi-totalité de la classe politique mauritanienne (majorité et opposition) et de larges segments de la société.

Une approche totalement contraire à la gouvernance de son prédécesseur, qui avait, lui, entretenu des rapports tendus avec ses opposants pendant 11 ans.

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 08/08/2020 à 13h57, mis à jour le 08/08/2020 à 13h59