Malgré son statut d’enquête préliminaire, qui précède l’ouverture d’une éventuelle information judiciaire, le dossier de la gouvernance de la décennie de Mohamed ould Abdel Aziz (2008-2019), mobilise déjà l’énergie et l’activité des institutions publiques impliquées dans son traitement.
En effet, la Justice a ordonné la saisie à titre conservatoire de plusieurs comptes bancaires dont les titulaires sont des personnalités et institutions privées proches de l’ancien président, Mohamed ould Abdel Aziz, dans une correspondance adressée à la Banque Centrale de Mauritanie (BCM). La nouvelle est rapportée par plusieurs sources concordantes.
Les limiers chargés de l’enquête ont également placé sous scellés un véritable parc automobile, composé d’une cinquantaine de véhicules 4X4, des Toyota Hilux et une trentaine de camions, présumés avoir «été cédés de manière suspecte» à des proches de l’ancien chef de l’Etat.
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Des informations recueillies à la suite de l’arrestation et de l’audition d’un officier ministériel (notaire), qui a légalisé de nombreux documents en faveur du clan Aziz, au cours des derniers mois, auraient conduit à ces saisies.
Ces actes sont des mesures conservatoires qui rentrent dans le cadre d’une enquête préliminaire, menée par la police chargée de la répression des infractions à caractère économique et financier, sous la supervision du procureur de la République près le tribunal de Nouakchott Ouest.
Ces développements interviennent après la fermeture du siège du Parti unioniste démocrate et social (PUDS), sur lequel Mohamed Abdel Aziz avait réussi une OPA, l’arrestation d’un notaire et d’un certain Mechry Saleh, comptable de la fondation créée par feu Ahmed ould Abdel Aziz (décédé en 2015), fils cadet de l’ancien président, et dont la gestion est depuis confiée à son grand frère, Badr ould Abdel Aziz.
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Le Parquet général près la Cour suprême de Mauritanie a ordonné l’ouverture d’une enquête préliminaire pour des présomptions «de corruption, détournement et blanchiment de capitaux» suite à la transmission à la justice du rapport d’une Commission d’enquête parlementaire (CEP) dénonçant des faits de mauvaise gouvernance pendant la décennie de règne de Mohamed ould Abdel Aziz.
Les enquêteurs ont aussi procédé à la confiscation des passeports de certaines personnalités, interdites de voyage, parmi lesquelles l’ancien Premier ministre Yahya ould Hademine.
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Un épisode qui a poussé certains organes de la presse nationale à évoquer abusivement «une mesure de placement sous contrôle judiciaire» de plusieurs personnalités, qui relève exclusivement des compétences d’un juge d’instruction, et reste impossible à ce stade de la procédure, puisqu’aucun magistrat instructeur n’a été saisi de l’affaire. Celle-ci en est encore au stade d’une enquête préliminaire menée des Officiers de police judiciaire (OPJ), sous la conduite du procureur de la République, souffle une source bien au fait des règles de procédure.
Le document de la CEP, de plusieurs centaines de pages, porte sur l’attribution de 109 marchés publics (énergie, infrastructures, pêche, gestion du foncier) suivant des procédures «irrégulières».
Il a entraîné la chute du Premier ministre et des membres des gouvernements présumés avoir une responsabilité dans ces différentes opérations, pour leur permettre une défense en toute sérénité.