Mauritanie: l'union sacrée des partis représentés au parlement, pour que Mohamed ould Abdel Aziz rende des comptes

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Le 20/08/2020 à 11h05, mis à jour le 20/08/2020 à 11h34

La Coordination des Partis Représentés au Parlement (CPPP), regroupant des partis politiques à la fois de la mouvance présidentielle et de l'opposition, assure que les poursuites contre l'ex-président n'ont aucune connotation politique. La CPPP demande à la justice de jouer pleinement son rôle.

A l'Assemblée nationale, en ce moment, l'union sacrée prévaut entre plusieurs partis, très en vue sur la scène politique mauritanienne, tous membres de la CPPP, pour que justice soit rendue dans les nombreuses affaires dans lesquels est impliqué Mohamed ould Abdel Aziz. L'ex-président du pays, arrêté depuis lundi dernier, se trouve actuellement en garde à vue pour des faits présumés de corruption à très large échelle. 

Alors que tout les oppose a priori, l'Union Pour la République (UPR, principale formation de la majorité), l’Union pour la Démocratie et le Progrès (UDP, majorité), le Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD, opposition), l'Union des Forces de Progrès (UFP, opposition) se sont unis pour dénoncer des "tentatives" de "destabilisation" visant à "présenter la voie salutaire de l’exigence de transparence et de la reddition des comptes" comme une entreprise ciblant des milieux politiques spécifiques. 

Pour la première fois dans l'histoire du pays, en effet, depuis lundi dernier en fin de journée, un ancien président, en la personne de Mohamed ould Abdel Aziz, est en garde à vue pour des faits présumés de corruption. Le placement en garde à vue de l’ancien chef de l’Etat intervient après la transmission à la justice, le 5 août dernier, d’un rapport établi par une Commission d’Enquête Parlementaire (CEP) dénonçant des faits de corruption pendant la décennie des deux mandats effectués par Mohamed ould Abdel Aziz.

Il s'agit là du premier cas de matérialisation du principe constitutionnel du contrôle de l’action de l’exécutif, par l’Assemblée nationale, malgré plusieurs tentatives visant à discréditer cette action actuellement en cours. En effet, des proches de l’ancien chef de l’Etat dénoncent la garde à vue dont il fait l'objet, vécue comme le "kidnapping" de celui qui tentait d'exister à nouveau sur la scène politique depuis quelques temps, un an après l'élection de Mohamed ould Cheikh El Ghazouani à la tête de la République Islamique de Mauritanie. 

Aussi, la Coordination des Partis Représentés au Parlement (CPPP), regroupant plusieurs formations issues de la majorité et de l’opposition, réfute ces allégations selon lesquelles les soupçons de corruption qui pèsent sur Mohamed ould Abdel Aziz seraient des "poursuites à caractère politique ciblant un groupe d’individus". 

Devant les enquêteurs, en garde à vue à Nouakchott, l'ex-président a choisi le silence comme stratégie de défense, et a refusé de répondre aux questions qui lui sont posées, émanant d'accusations d'anciens Premiers ministres, et de ministres qui ont gouverné sous ses deux mandats successifs, et qui le désignent comme le donneur des ordres qui ont débouché sur des actes de prévarication.

Le document qui accuse Mohamed ould Abdel Aziz, élaboré par la CEP, dont les membres sont tous des députés de l'Assemblée nationale, et composé de plusieurs centaines de pages, porte sur l’attribution de plusieurs marchés publics (dans les domaines de l'énergie, des infrastructures), la gestion de la Société Nationale Industrielle et Minière (SNIM), la gestion du Fonds National de Revenus des Hydrocarbures (FNRH), une concession portuaire, un contrat de pêche, la gestion du foncier à Nouakchott, ou encore la liquidation d’entreprises publiques. 

Devant cette situation inédite dans l'histoire de la Mauritanie, la CPPP exhorte chaque Mauritanien au respect de l’indépendance du pouvoir judiciaire, à la préservation de son inviolabilité, afin que celui-ci puisse jouer pleinement son rôle, de manière professionnelle et transparente, pour que "justice soit rendue", et que "les responsables d’actes de prévarication soient punis", et, enfin, que "les biens spoliés au peuple mauritanien soient récupérés".

La CPPP rappelle, une déclaration précédente, avoir souhaité la mise en place d’un front républicain pour créer les conditions d’un dialogue national sur les grands enjeux du pays: l'unité nationale, l'approfondissement de la démocratie et de l’Etat de droit, sans compter la question historique, et cruciale, de l’esclavage. 

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 20/08/2020 à 11h05, mis à jour le 20/08/2020 à 11h34