La Mauritanie vit au rythme de l’enquête préliminaire pour «soupçons» dans la gouvernance de l’ancien président, Mohamed ould Abdel Aziz, maître incontesté de la République pendant la période 2008-2019.
Passé du statut d’homme fort, il y a juste 15 mois, à celui peu enviable d’un ex-dirigeant dont la fortune frappée de suspicion fait l’objet d’une traque impitoyable, Aziz «se réfugie» derrière le collectif de ses avocats, qui à son tour s’agrippe à l’article 93 de la Constitution du 20 juillet 1991.
En effet, après la mesure de garde à vue du 17 au 24 août, levée après expiration des délais prévus par la loi anti corruption de 2016, l’ancien chef de l’Etat a été à nouveau convoqué par la police chargée de la répression des infractions à caractère économique et financier cette semaine. Conduit dans un lieu localisé dans la commune de Dar Naim, Aziz est resté fidèle à sa stratégie de défense, le refus de parler aux limiers.
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Dans le même temps, les enquêteurs ont procédé à une perquisition dans sa ferme située à 70 kilomètres au nord de Nouakchott, dans la région de l’Inchirin, et commencent à fouiner dans la gestion de la fondation «Rahma», une institution créée par feu son fils Ahmed ould Abdel Aziz.
Face à ces derniers développements, le collectif des avocats de la défense de l’ancien président dénonce une violation combinée des articles 93 de la Constitution et 58 du Code de procédure pénale (CPP), à travers un communiqué rendu public mercredi 2 septembre.
Dans ce document, maître Mohameden ould Ichidou et ses collègues rappellent que «l’article 93 de la Constitution confère une immunité pleine et entière au président de la République, pour tout acte accompli dans l’exercice de ses fonctions, sauf pour haute trahison, comme il ne peut être mis en accusation, selon le même article, que par l’Assemblée nationale statuant par un vote au scrutin public et à la majorité de ses membres, et ne peut être jugé, toujours selon la même disposition, que par la Haute Cour de Justice (HCJ)».
Ainsi, «il résulte de l’article 93 de la Constitution évoquée, que l'organe de la mise en accusation du président de la République étant expressément et nommément désigné par la Constitution, ainsi que la juridiction dont il relève, toute autorité qui violerait les règles de saisine et de compétence, entre de la sorte en conflit avec une norme constitutionnelle, y compris le parquet et ses auxiliaires, chargés en toute illégalité des auditions de l’ancien président de la République».
Par ailleurs, dans le cas d’espèce, «le refus de prendre acte des observations des avocats de la défense lors de l’audition évoquée est une violation flagrante de l’article 58 du Code de procédure pénale (CPP)», ajoute le document du collectif de défense de Mohamed ould Abdel Aziz.
Le point de départ de cette enquête préliminaire est un rapport établi par une Commission d'enquête parlementaire (CEP) transmis à la justice le 5 août dernier.
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Un document de plusieurs centaines de pages mettant en évidence «des irrégularités» et «de nombreux actes de prédation» dans l’attribution de 109 marchés relatifs à l’énergie, aux infrastructures, la gestion du Fonds national de revenus des hydrocarbures (FNRH), l’attribution d’une concession au port de Nouakchott, la gestion de la Société nationale industrielle et minière (SNIM), le foncier à Nouakchott, la liquidation d’entreprises publiques...
Entendus au cours de l’enquête des députés, trois anciens Premiers ministres et plusieurs membres du gouvernement sous les administrations Aziz et Ghazouani ont été auditionnés et ont imputé la responsabilité des actes incriminés au président de la République.