L’enquête relative à la «corruption» présumée sous la décennie de règne de l’ancien président mauritanien, Mohamed Abdel Aziz est entrée dans sa phase ultime ce week-end, avec une série de confrontations.
Ces dernières mesures ont mis en scène l’ancien chef de l’Etat, deux ex-Premiers ministres et plusieurs anciens ministres. Une phase décisive qui relance la bataille de l’opinion à travers les médias.
Ainsi, suivant la stratégie de la réponse du berger à la bergère, le collectif des avocats de la défense des intérêts de l’Etat, constitué partie civile dans ce dossier, a rendu public un communiqué de presse jeudi soir.
Maître Brahim ould Ebety, bâtonnier de l’Ordre national des avocats (ONA), qui en assure la coordination, et ses collègues réfutent la thèse de l’immunité «absolue», argument derrière lequel Mohamed ould Abdel Aziz s’abrite pour ne pas parler aux limiers de la police chargée de la répression des infractions à caractère économique et financier.
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Le document des avocats de la partie civile signale que l’article 93 de la constitution mauritanienne du 20 juillet 1991 ne confère au président de la République «qu’une immunité confinée dans une limite matérielle claire, durant l’exercice de son mandat, et pour les seuls actes rentrant dans l’exercice de ses fonctions».
La mise au point du bâtonnier répond à une déclaration du collectif des avocats de la défense de l’ancien chef de l’Etat, dénonçant «la violation de l’article 93 de la Constitution, qui confère une immunité absolue au président de la République», même au-delà de la cessation de ses fonctions, et condamne le non-respect d’autres dispositions constitutionnelles relatives au contrôle de l’action du gouvernement par le parlement, ainsi que l’attitude du parquet anti-corruption «qui continue à ignorer l’article 46 du Code de procédure pénale (CPP)».
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Le collectif des avocats de l’Etat signale par ailleurs que «les actes de corruption, ainsi que les nombreuses infractions assimilées, ou les crimes et délits de blanchiment, objets de l’enquête en cours, ne peuvent nullement être rattachés à l’exercice normal des fonctions de président de la République, telles que définies à l’article 30 et suivants de la Constitution.
De surcroit, l’irresponsabilité absolue d’une personne pour des faits répréhensibles aux yeux de la loi ne peut que heurter la conscience collective de notre peuple et ses valeurs culturelles, religieuses et morales. Elle serait par ailleurs en porte à faux avec l’évolution des mentalités sociales, les nouvelles exigences portées par les progrès de la démocratie et les engagements internationaux de notre pays, qui ne peuvent s’accommoder de l’impunité».
Sur la compétence, le communiqué des avocats de la partie civile soutient la thèse suivant laquelle «le juge naturel de l’ancien président de la République, redevenu simple citoyen, ne peut être que le juge ordinaire, la Haute Cour de justice (HCJ) n’étant compétente, comme le précise l’article 93 de la Constitution, que pour le seul cas de haute trahison, l’ancien président pourra être soumis aux deux juridictions, parallèlement, chacune selon sa compétence légale propre».
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Cette enquête préliminaire pour corruption pendant la décennie de gouvernance de Mohamed ould Abdel Aziz (2008/2019), a pour base un rapport établi par une Commission d’enquête parlementaire (CEP), transmis à la justice le 5 août dernier.
Celui-ci porte sur l’attribution de 109 marchés publics suivant la procédure du gré à gré, dans les domaines de l’énergie, des infrastructures, la gestion du Fonds national de revenus des hydrocarbures (FNRH), la gestion de la Société nationale industrielle et minière (SNIM), une concession portuaire, un contrat de pêche, la gestion du foncier à Nouakchott et la liquidation douteuse d’entreprises publiques.
Dans le cadre de cette enquête préliminaire, Mohamed ould Abdel Aziz a fait l’objet d’une mesure de garde à vue du 17 au 24 août. Il a refusé de parler aux enquêteurs en invoquant «l’immunité absolue» que lui confère l’article 93 de la constitution.