La Mauritanie célèbre aujourd’hui le 56e anniversaire de son accession à l’indépendance. La célébration de la fête de l’indépendance est marquée par l’inauguration d’une série de réalisations à caractère socio-économique, telle une série de petites centrales électriques ou le lancement des travaux d’une centrale solaire de 50 MW et par de nombreuses autres activités.
Dans son discours à la Nation, le président Mohamed Ould Abdel Aziz, qui a fêté l’événement dans la ville d’Atar (400 kilomètres au nord de Nouakchott), a salué le combat de tous «les martyrs» qui se sont sacrifiés pour résister à la pénétration coloniale.
Seulement, dans la Mauritanie d’aujourd’hui, cette date n’est plus seulement synonyme de joie. Elle est aussi une journée de souvenirs douloureux et de deuil pour de nombreuses familles, de communautés mauritaniennes et d'hommes épris de justice et de droits humains. Et pour cause, lors des célébrations de la fête de l’indépendance de 1990, dans la nuit du 27 au 28 novembre, des militaires ont pendu 28 de leurs frères d’armes négro-africains (composantes non arabe de la Mauritanie), au niveau de la base militaire d’Inal, dans les environs de Nouadhibou, pour «célébrer le 30e anniversaire de l’accès de la Mauritanie à l’indépendance». Ces derniers ont été accusés de préparer un coup d’Etat militaire contre le président Ould Taya. Au fait, ces exécutions rentraient davantage dans le cadre de la dénégrification de l’armée mauritanienne au lendemain des «Evénements» douloureux ayant opposés le Sénégal et la Mauritanie en 1989. Ceux-ci se sont mués en problèmes raciaux au niveau des deux pays et ont donné lieu à des déportations de Mauritaniens de souches vers le Sénégal.
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Ces actes douloureux, dont les présumés auteurs, connus et vivants, restent impunis à la faveur d’une loi d’amnistie adoptée en mai 1993, continuent à polluer la fête de l’indépendance mauritanienne.
Ainsi, du côté du Collectif des veuves du passif humanitaire, le ton reste nettement dominé par le souvenir de ces actes de barbarie de la fin l’année 1990. Ainsi, dans une déclaration rendue publique lundi, l’organisation déplore la mauvaise gestion de cette douloureuse question, dans la mesure où même l’opération de localisation des sépultures de ces morts, promise aux familles par les autorités il y a quelques années, n’a jamais été concrétisée.
Le Collectif des veuves constate avec amertume, qu’à l’image du régime de Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya, «celui de Mohamed Ould Abdel Aziz semble opter pour la politique de l’autruche, en espérant jouer avec le temps». Néanmoins, les veuves exigent «la vérité sur le déroulement des massacres et un éclairage sur les motivations des auteurs».
Même son de cloche au sein du Forum national des organisations de droits humains (FONADH), un collectif d’une vingtaine d’ONG, qui réclame «l’abrogation de la loi d’amnistie de 1993», dont l’unique finalité est de «protéger des criminels».
Le chapelet de revendications pour «la vérité et la justice» au sujet des actes de cruauté à l’encontre des militaires noirs en 1990 est complété par une sortie de maître Lô Gourmo, avocat et célèbre opposant. Sur sa page «facebook», le vice-président de l’Union des forces de progrès (UFP) écrit: «Depuis que la sinistre vérité a été révélée sur ce qui fut l’impensable nuit d’horreur de la veille du 28 novembre 1990, nuit de haine absolue à caractère ethnique, au cours de laquelle furent torturés et massacrés 28 soldats de l’armée, dont le seul tort était d’être négro-africains, depuis cette nuit de martyr emblématique, la date du 28 novembre, celle qui symbolise l’accession officielle de notre Etat multinational à la souveraineté commune, est souillée, marquée par le sang et la souffrance. La bêtise chauvine et l’aveuglement d’un régime coupé du peuple sont à l’origine de cette dérive».
L'avocat termine par la revendication forte «de toute la lumière sur cette sombre page de l’histoire du pays, dans la justice et le pardon, pour que les bourreaux, en prime, ne volent pas à notre peuple cette date».