Mauritanie: Amnesty consternée par le rejet des juges des allégations de tortures

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Le 22/11/2016 à 12h07, mis à jour le 22/11/2016 à 14h58

Amnesty International juge que les acquittements et les réductions de peines des militants antiesclavagistes sont insuffisants. L'ONG demande la libération de tous les militants et surtout regrette que les allégations de tortures soient ignorées par la justice mauritanienne.

Amnesty Internationale (AI), ONG de défense des droits humains, reste consternée par l’attitude des juges mauritaniens face aux allégations de tortures soutenues par des militants antiesclavagistes.

Cette position est exprimée à travers une déclaration rendue publique lundi 21 novembre, au soir, suite à la décision de la Cour d’appel de Nouadhibou, siégeant en audience foraine dans la cité minière de Zouerate (600 kilomètres au Nord de Nouakchott) le vendredi 18 novembre. 

Pour rappel, la juridiction d’appel a acquitté 3 militants antiesclavagistes et réduit les peines pour 10 autres, avec la libération de 7 autres ayant déjà purgé leurs peines.

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Bien que «soulagée» par ce verdict, Amnesty reste consternée par la gestion des accusations de tortures.

La dénonciation véhémente de cette pratique et d’autres actes cruels, inhumains et dégradants a servi de fil rouge au déroulement du procès en appel de 13 militants de l’Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste (IRA) qui s’est déroulé du 14 au 18 novembre à Zouerate.

Les militants du mouvement abolitionniste, rappelle-t-on, avaient été condamnés à de lourdes peines de réclusion allant de 3 à 15 ans à travers un jugement rendu par une Cour criminelle de Nouakchott le 18 août dernier.

A l’origine de cette affaire jugée suivant la procédure du «flagrant délit», une opération d'évacuation qui a tourné en affrontements entre policiers et squatters d’un bidonville situé dans une commune de Nouakchott.

«La libération des trois militants antiesclavagistes qui avaient été injustement condamnés à des peines allant jusqu’à 15 ans d’emprisonnement pour avoir exprimé pacifiquement leurs opinions, est un grand soulagement pour les personnes arrêtées arbitrairement, leurs familles et pour tous ceux qui ont fait campagne pour mettre fin à la répression violente contre les défenseurs des droits humains en Mauritanie», souligne Fatou Kine Diop, chargée de campagne pour l’Afrique de l’Ouest à Amnesty Internationale (AI).

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Toutefois, s’empresse-t-elle d’ajouter, «le fait que la cour n’ait pas acquitté 10 d’entre eux dont 3 qui vont rester encore en prison, représente un signe inquiétant du rétrécissement de l’espace de liberté dont jouissent les organisations de la société civile et les personnalités qui défendent les droits humains en Mauritanie».

Elle souligne également, qu'"il est aussi consternant que la décision de la juridiction d’appel ait ignoré les allégations de tortures formulées par les accusés et qu’aucune enquête n’ait encore été ouverte». 

Une attitude contraire à l’adoption par le gouvernement mauritanien d’un mécanisme national de prévention de la torture début 2016, et la ratification de la convention mondiale contre le même crime en 2012.

Amnsty invite ainsi le gouvernement mauritanien à reconnaître de manière «explicite la légitimité de toutes les organisations qui travaillent à mettre fin à l’esclavage et la discrimination, y compris l’Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste (IRA), tout en s’assurant que la justice ne soit pas utilisée contre ceux qui défendent les droits humains».

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 22/11/2016 à 12h07, mis à jour le 22/11/2016 à 14h58