Près de 30 ans après les faits, la Mauritanie n’a pas fini de solder les comptes du «passif humanitaire» de la fin des années 1980/1990. Il faut dire que tous les régimes qui se sont succédés depuis Ould Taya ont pris soin de ne pas régler le fond du problème. Ce sont ces manquements qui ont été déplorés dans un nouveau document établi par le rapporteur spécial des Nations unies (ONU) sur la torture, les traitements inhumains, cruels et dégradants, Juan E. Méndez, qui a effectué une tournée de plusieurs jours dans le pays, fin janvier 2016.
Dans ce rapport, il pointe notamment du doigt le traitement qui a été accordé aux présumés auteurs des exécutions extrajudiciaires à caractère ethnique qui ont concerné plusieurs centaines de militaires issus de la communauté noire non arabe mauritanienne. L’expert recommande ainsi l’abrogation de la loi d’amnistie adoptée au mois de mai 1993, jugeant que ce texte est «inacceptable» dans le contexte de la législation pénale internationale actuelle, au vu du caractère extrêmement grave des crimes.
L’abrogation de cette loi ouvrirait la voie à des poursuites judiciaires contre les présumés auteurs de ces exactions dont l’impunité est encore régulièrement dénoncée par les ONG de défense des droits humains.
Lire aussi : Mauritanie-indépendance: entre célébration de la fête nationale et souvenirs douloureux
Par ailleurs, l’expert onusien interpelle les autorités de Nouakchott sur le maintien de la peine capitale dans l’arsenal pénal national. Le rapport évoque ainsi l’épisode récent «de la condamnation à mort prononcée contre le blogueur Mohamed Ould M’Kheitir, reconnu coupable d’apostasie, malgré son repentir».
Dans le traitement judiciaire de cette affaire, l’expert onusien déplore «le recours à des dispositions très vagues -article 306 du Code Pénal (CP) et le prononcé de la peine capitale pour une infraction ne tombant pas dans la catégorie des crimes les plus graves», même du point de la législation pénale islamique.
Le verdict ordonnant la mort du blogueur dont la défense affirme qu’il a simplement critiqué la stratification en castes de la société arabe ancienne et mauritanienne actuelle, a été annulé par la Cour suprême en janvier dernier. La haute juridiction a ordonné une reprise du procès devant une Cour d’appel composée différemment.
Lire aussi : Mauritanie: rapport critique d’Amnesty sur la situation des droits de l’Homme
Le rapport Méndez juge cependant «positif» le moratoire observé dans l’application de la peine capitale depuis 1987. Il salue aussi l’adoption d’un mécanisme national de prévention de la torture et la ratification de plusieurs traités internationaux relatifs à la protection des droits humains.
Cependant, la traduction dans les faits du contenu de ces nouveaux engagements reste confrontée à de nombreuses difficultés.
Ce qui comporte le risque de ravaler les structures et les lois dédiées à la promotion des droits humains, à une simple cosmétique institutionnelle destinée à la consommation extérieure.