Après un arrêt de la Cour d’appel de Nouadhibou (nord), annulant la condamnation à mort du blogueur Mohamed Ould M’Kheitir, assortie d’un nouvel arrêt prononçant une peine correctionnelle de deux années de prison ferme, le Parquet général a introduit un pourvoi devant la Cour suprême. Le prévenu a pu retrouver la liberté après quatre ans de détention préventive.
«Suite à une décision rendue cet après-midi (jeudi) par la chambre criminelle de la Cour d’appel de Nouadhibou autrement composée, laquelle porte sur le dossier numéro 003/2014, le parquet a immédiatement introduit un recours en cassation devant la Cour suprême (toutes chambres réunies), en vue d’une application saine et rigoureuse de la loi. Cela, du fait que l’arrêt en question a été rendu contre sa requête fondée et étayée par son argumentaire contenu dans le réquisitoire contre le condamné dans le dossier précité», affirme un communiqué du ministère public.
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Le document du ministère public rappelle aussi les conditions dans lesquelles les poursuites ont été déclenchées contre le jeune blogueur, pour «des faits graves» contre lesquels «il s’agit de protéger la société et ses croyances sacrées».
Rappel des faits et des grands principes
La déclaration soutient par ailleurs que «le parquet exerce un recours en cassation que la loi lui confère en vue de faire appliquer celle-ci conformément à sa vision. Il convient toutefois de noter que la Cour d’appel a appliqué des règles de fond consacrées par le Code Pénal (CP) mauritanien qui a été, au demeurant, élaboré sous la conduite d’un groupe de grands ulémas du pays en application des dispositions de la Charia Islamique, qui est en vigueur en Mauritanie depuis 1983 et ce, dans le cadre de l’indépendance dont jouit la justice mauritanienne, qu’il nous appartient tous de respecter».
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Ainsi, en dépit du pourvoi en cassation par principe, parce que le réquisitoire du procureur général réclamait la confirmation de la peine capitale prononcée contre Mohamed Ould M’Kheitir en janvier 2017, le parquet semble admettre que la décision des juges de la Cour d’appel est basée sur les règles de fond d’un droit élaboré par de grands jurisconsultes musulman.
Signalons que ce pourvoi ne suspend pas l’exécution de l’arrêt de la Cour d’appel et que le blogueur restera libre jusqu’à la décision finale des chambres réunies de la Cour suprême.
Après ce verdict, on note des réactions contrastées qui correspondent parfaitement au débat qui a accompagné pendant près de 4 ans le traitement de ce dossier sensible.
Maître Cheikh Ould Hindi, bâtonnier de l’Ordre national des avocats (ONA), se dit «surpris par un verdict qui ne reflète pas la loi islamique dont s’inspire le Code pénal (CP) mauritanien».
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Réaction diamétralement opposée de maître Mohamed Ould Moine, avocat de la défense, qui estime «que les juges ont respecté la loi mauritanienne en tenant compte des regrets et du repentir d’un fidèle qui s’était égaré et est revenu à la raison».
Ton identique chez le Pr Lô Gourmo Abdoul, opposant et professionnel du droit, qui écrit sur sa page Facebook «la justice s’est en définitive montrée à la hauteur par son verdict équilibré dans l’affaire M’Kheitir. Maîtres Fatimata M’Baye et Moine (avocats de la défense) honorent le barreau et le droit. Il est bon que le système judiciaire préserve son indépendance et refuse toute velléité d’instrumentalisation d’où qu’elle vienne».