Est-ce la fin de l’impunité pour les membres des forces de sécurité en Mauritanie, pays qui traîne comme un boulet, un passif humanitaire de plus de 30 ans?
Tout récemment, un commandant de brigade de Gendarmerie d’une localité reculée de l’Est du pays (Touile, à la frontière Mali) a été placé en détention provisoire pour «viol d’une mineure suivi de grossesse». Si cet acte gravissime suscite malgré tout l'espoir sur le plan de la justice, c'est que jusqu'à présent l'impunité était la règle pour certains gradés et les militaires en général.
Peu de temps après, trois éléments du Groupement général de la sécurité routière (GGSR) ont été mis aux arrêts et finalement radiés.
Ceci pour avoir été filmés en train de faire subir «des traitements dégradants» à des compatriotes, dans le cadre de l’application du couvre-feu décrété pour contrer la propagation du coronavirus (Covid-19). Cette arrestation musclée d’un groupe de jeunes est intervenue le jour de l’Aiï el-Fitr, fête marquant la fin du mois de ramadan.
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La vidéo de l'arrestation, largement partagée sur les réseaux sociaux et rapidement devenue virale, pourrait avoir forcé la main à des autorités désireuses de promouvoir l’image d’une Mauritanie déterminée à faire des progrès dans le domaine des droits humains, après un parcours marqué par des errements coupables.
La sanction tombée cette semaine a été annoncée sur les antennes de la télévision publique par le capitaine Ismaël Atigh, directeur régional de la sécurité routière à Nouakchott: «les éléments du Groupement général de sécurité routière qui ont violé les lois de la République en perpétuant des traitements inhumains inadmissibles contre des citoyens, interpellés lors du couvre-feu, le samedi 23 mai, jour de l’Aiï el-Fitr, ont été arrêtés et le commandement a ordonné leur radiation immédiate du corps de police de la sécurité routière».
Des sanctions administratives qui n'ont pas empêché que les intéressés soient déférés devant la justice.
Réagissant à cette mesure, le Mécanisme national de prévention de la torture (MNPT) note «avec satisfaction et un grand intérêt, la réponse prompte et positive des plus hautes autorités, à sa demande de sanctions contre les éléments de la sécurité routière qui ont porté atteinte à la liberté et la dignité de simples citoyens sans défense. Nous apprécions à sa juste valeur une décision courageuse et louable qui préserve les droits humains, la dignité de nos concitoyens et les valeurs les plus précieuses».
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Echo identique de la part de la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH-organe consultatif), qui encourage une action visant à promouvoir et consolider l’Etat de droit.
C’est dans ce contexte qu’une nouvelle bavure s’est produite dans le département de MBagne (vallée du fleuve) au cours des dernières heures, avec des gardes-frontières tirant et tuant sur le coup un charretier présumé complice d’un commerçant se livrant à un trafic de marchandises sur la frontière entre Sénégal et Mauritanie.
Quel traitement sera réservé à ce crime qui rappelle de forts mauvais souvenirs aux populations de la vallée du fleuve?
Dans le village de Winding, proche de l’endroit où s'est déroulé le drame d’hier (Dabbé), des délateurs de présumés trafiquants avaient été raflés par les forces de l’ordre, les accusant de violences il y a quelques jours.
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En attendant la réponse relative à la poursuite de la dynamique des derniers jours ou au maintien de la trajectoire historique de l’impunité, l’Association mauritanienne des droits de l’Homme (AMDH), organisation dirigée par la célèbre avocate, maître Fatimata MBaye, exclut la thèse «de l’erreur ou de l'acte isolé, de la part de forces de l’ordre restées sur une dynamique de répression» dans la vallée du fleuve, comme au bon vieux temps de la période d’exception et des régimes répressifs.
Ainsi, la situation de gestion sécuritaire de la pandémie du coronavirus (Covid-19) serait juste venue se greffer une réalité qui dure depuis plusieurs années, selon la déclaration de l’ONG, rendue publique le vendredi 29 mai.