Gambie: Fatou Bensouda, procureure de la CPI, interdite de séjour aux Etats-Unis

Fatou Bensouda, la procureure de la Cour pénale internationale (CPI).

Fatou Bensouda, la procureure de la Cour pénale internationale (CPI).. DR

Le 21/03/2019 à 15h05, mis à jour le 21/03/2019 à 15h07

La procureure de la Cour pénale internationale, la Gambienne Fatou Bensouda est désormais interdite de séjour aux Etats-Unis. Le Secrétaire d’Etat américain aux Affaires étrangères lui reproche d’avoir ordonné d'enquêter contre des soldats américains qui auraient commis des crimes en Afghanistan.

Le gouvernement américain vient d’annoncer qu’il n’accordera plus aucun visa d'entrée sur son sol aux membres de la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye, désireux de se rendre aux Etats-Unis pour enquêter sur de présumés crimes de guerre commis par des militaires américains en Afghanistan ou dans un autre pays.

Cette déclaration lapidaire vient de Mike Pompeo en personne.

Le secrétaire d’Etat américain aux Affaires étrangères a en outre annoncé la mise en place d'une "politique de restrictions de visas américains contre les personnes directement responsables pour toute enquête de la Cour pénale internationale (CPI) contre des militaires américains", et le chef de la diplomatie américaine a ajouté que "cette mesure a commencé à être appliquée". 

De fait, cette décision du gouvernement du président américain Donald Trump touche en premier Fatou Bensouda, procureure de la CPI.

En effet, en novembre 2017, la Gambienne avait émis le désir de demander aux juges du CPI une autorisation afin d'ouvrir une enquête sur d'éventuels crimes de guerre commis par certain militaires américains, alors qu'ils étaient en mission en Afghanistan.

Après cette annonce, les Etats-Unis, qui ne sont pas membres de la CPI, avaient menacé, en septembre 2018, les membres de cette juridiction internationale qui seraient tentés de s’en prendre à des Américains ou à des Israéliens.

Rappelons qu'en effet, des Palestiniens avaient demandé l’ouverture d’une enquête sur des crimes qu'auraient commis des soldats israéliens à Gaza, et dans d’autres villes.

La volonté des membres de la CPI de répondre à cette demande avait poussé John Bolton, Conseiller à la sécurité de Donald Trump, à sortir de sa réserve.

"La CPI était une menace directe pour la sécurité nationale du pays, [les Etats-Unis, Ndlr]", avait-il alors déclaré, annonçant dans la foulée cette restriction de visas.

La récente déclaration de Mike Pompeo vient ainsi confirmer ces dires. "Nous sommes prêts à prendre des mesures supplémentaires, y compris des sanctions économiques, si la CPI ne change pas de direction", a également ajouté le secrétaire d'Etat américain. 

Cette déclaration du gouvernement américain a suscité de nombreuses réactions de la part des organismes de défense des droits de l’Homme.

L'ONG américaine Human Rights Watch la qualifie ainsi de "tentative brutale de pénaliser les enquêteurs". "C’est un message clair aux tortionnaires et meurtriers: leurs crimes peuvent rester impunis", a déclaré Andrea Prasow, la directrice adjointe du bureau de Washington de Human Rights Watch.

Selon Andrea Prasow, les parlementaires américains devraient revenir sur cette mesure et montrer leur soutien à la CPI.

A noter que depuis sa création, la CPI n’a jamais bénéficié de l’adhésion des Etats-Unis.

D’ailleurs George W. Bush avait, alors qu'il était aux commandes en 2001, fait voter une loi dans le but d'immuniser les militaires américains en mission étrangère.

La Chine et la Russie avaient cependant refusé, à cette époque, de suivre l'exemple américain. 

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 21/03/2019 à 15h05, mis à jour le 21/03/2019 à 15h07