Kiosque Le360 Afrique. Est-ce que c'est la pression des chefs d’Etat africains qui est en train de la faire plier, ou bien Fatou Bensouda veut-elle sauver son maroquin ? La procureure de la Cour pénale internationale (CPI), sentant son job menacé, s’attaque enfin à d’autres dossiers que ceux d’Africains. En effet, d’après le New York Times, elle a affirmé lundi "avoir des bases raisonnables de penser" que les soldats américains ont commis des crimes de guerre en Afghanistan, notamment des actes de torture.
Depuis plusieurs années, la procureure internationale étudie la possibilité ou non d’engager une enquête sur ces probables crimes de guerre. Mais ce n’est que lundi dernier qu’elle s’est prononcée, sans pour autant avoir pris une décision ferme dans ce sens.
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Visiblement, elle lance un ballon d’essai. Beaucoup pensent, cependant, que les chances d’inculper des Américains sont faibles. Il est vrai que tout crime commis sur le territoire d’un pays partie à l’Initiative de Rome entre dans la compétence de la Cour pénale internationale. Il se trouve que l’Afghanistan est membre de la CPI. Par conséquent, même si l’Oncle Sam n’a pas voulu adhérer à la CPI pour éviter d’exposer ses soldats à d'éventuelles poursuites internationales, les crimes commis à Kaboul peuvent être jugés par la CPI. Bensouda pourra émettre des mandats d’arrêt à l’encontre de militaires ou de responsables américains.
C’est ce qui est théoriquement possible. Mais dans les faits, ce sera plus compliqué. Les Américains s’opposeront par tous les moyens à ce que soient jugés leurs concitoyens. On voit d’ici, les pressions diplomatiques qui seront exercées contre la procureure internationale.
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Le timing de cette sortie de Fatou Bensouda n’est pas le fait du hasard. Les déclarations interviennent à peine quelques semaines après que trois pays africains ont tour à tour claqué la porte de la CPI. Le Burundi, l’Afrique du Sud et la Gambie, le pays de Bensouda, ont annoncé leur retrait en octobre dernier. C’est un coup dur pour la justice internationale. Néanmoins, l’argument selon lequel la CPI est à la solde des puissances occidentales a vite fait de s’installer dans l’opinion publique du continent. En effet, neuf poursuites engagées par la CPI sur 10 l’ont été contre des Africains. Le mandat d’arrêt contre le président soudanais Omar El Béchir et les poursuites contre le président Kenyan Uhuru Kenyatta ont été vécus par beaucoup comme une humiliation. Ils ont été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. C'est en ce moment que les voix se sont élevées pour demander un retrait groupé de l'ensemble des 34 pays africains membres de la CPI. Le sujet avait même été officiellement évoqué dans deux sommets de l'Union africaine.