Les rumeurs sur la dévaluation du franc CFA persistent au niveau de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEMAC) –Cameroun, Congo, Centrafrique, Guinée Equatoriale, Gabon et Tchad.
Certaines avancent même que le franc CFA a été dévalué secrètement, arguant que l’obtention des devises nécessite de dépenser jusqu’à 15% de plus que le taux de parité fixe euro-franc CFA (1 euro étant égal à 655,957 Franc CFA). Il n’en est rien en réalité. Le taux de la parité euro-FCFA reste inchangé, le surplus payé par les opérateurs s’expliquant par le changement de la fixation des commissions par la BEAC –Banque des Etats d’Afrique centrale.
Face à la crise économique et l’amenuisement des réserves de change des pays de la région, qui ne couvrent qu’à peine 20% des besoins d’importations des 6 pays, beaucoup avancent la dévaluation comme solution pour améliorer la compétitivité économique des Etats de la CEMAC.
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Seulement, tous les ingrédients militent pour une non-dévaluation du franc CFA, même si certains vendent la "surévaluation" du franc CFA pour expliquer la non-compétitivité des économies de la région, tout en sachant que ces pays n'exportent que des matières premières pour lesquelles les prix sont fixés sur les places financières internationales.
D’abord, la dévaluation n’aura pas lieu du fait que les dirigeants des pays de la CEMAC sont catégoriques. En octobre 2018, ils ont clairement signifié à la France et au FMI qu’ils n’acceptent pas la dévaluation du franc CFA. Une dévaluation serait dévastatrice pour les dirigeants des pays de la région qui sont de plus en plus décriés.
Ensuite, la tension liée aux réserves en devises devrait se décanter à la faveur d’un certain nombre de facteurs favorables. Outre la restructuration de la dette du Congo (2,5 milliards de dollars) vis-à-vis de son créancier Exim Bank China, la finalisation attendue de l’accord entre Libreville et le FMI devrait contribuer à améliorer l’encours des réserves de change de la région. En plus, les cours des matières premières (pétrole et mines) sont globalement mieux orientés depuis quelques mois. Tous ces facteurs devraient contribuer à améliorer les réserves en devises des pays de la région dans les mois à venir.
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En outre, les effets de la dévaluation du franc CFA de 1994 hantent toujours les populations des pays africains ayant en commun cette monnaie. L’inflation qu’induit la dévaluation du franc CFA a des effets néfastes sur le pouvoir d’achat des populations pauvres qui n’attendent qu’une étincelle pour laisser exploser leur mécontentement. Un dirigeant ouest-africain soulignait dernièrement que «la dévaluation du franc CFA va générer beaucoup de pauvreté et de misère dans une situation déjà assez difficile».
Par ailleurs, on voit mal une dévaluation du franc CFA qui toucherait uniquement l’Afrique centrale et qui épargnerait l’Afrique de l’ouest alors que les deux régions partagent (presque) la même monnaie avec la même parité vis-à-vis de l’euro.
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En plus, pour la France, la dévaluation creuserait davantage le désamour des pays de la sous-région vis-à-vis de l’ancienne puissance coloniale omniprésente, au moment où des intellectuels et des membres de la société civile africaine demandent de plus en plus la fin de cette monnaie coloniale. D’ailleurs, au niveau de la CEMAC, de plus en plus de chefs d’Etat sont opposés au franc CFA: c’est le cas d’Idriss Déby Itno, Teodoro Obliang Nguema et Dennis Sassou Nguesso. C’est dire qu’une dévaluation imposée par la France et le FMI pourrait signer la fin du franc CFA.
Enfin, sur le plan économique, les résultats de la dévaluation de 1994 ont été négatifs pour la quasi-totalité des pays de la région. Ces pays, qui sont des exportateurs de pétrole et de matière première, ne tirent aucun profit de la dévaluation. Au contraire, engagés dans des politiques de diversification de leurs économies, les pays de la CEMAC verront leur dette exploser et la facture de leurs importations exploser, handicapant davantage les processus de diversification de leurs économies dans lesquels ils sont engagés.
Bref, la dévaluation n’est pas solution de sortie de la crise et n’est pas à l’ordre du jour au niveau de la CEMAC.