Ngoné Fall, la Sénégalaise de 51 ans qui vient d’être choisie par l’Elysée pour diriger la saison culturelle «Afrique 2020», refait surface. Certainement lasse de devoir, à chaque fois défendre une Afrique peinte avec des clichés par certains cercles parisiens, elle se faisait rare depuis pratiquement une décennie. Malgré sa discrétion, cette intellectuelle sénégalaise, architecte de formation, commissaire d’exposition et cofondatrice d’une plateforme dans les nouveaux médias et les arts visuels est aujourd’hui, une personnalité incontournable dans le milieu culturel africain en France.
Comme le traduisent ces propos de la ministre française de la Culture, Françoise Nussen, l’Elysée est tombé sous le charme du profil de N’goné Fall. «C’est elle qui aura la tâche aussi réjouissante que difficile de permettre de faire découvrir en France, l’image d’une Afrique en mouvement et en mutation», avait-t-elle dit, au moment de l’annonce du choix porté sur cette dame pour diriger «Afrique 2020».
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Pour rappel, la saison culturelle «Afrique 2020» est une initiative du président français, Emmanuel Macron, qui sera mise en œuvre par l’Institut français, sous la conduite du ministère français de la Culture et du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Pour le moment, l’Etat français prévoit de consacrer une enveloppe de 1,5 million d’euros à ce projet culturel qui aura lieu en 2020.
La commissaire générale de la saison culturelle «Afrique 2020» ne passe pas inaperçue chez les passionnés de culture africains. Alors âgée de 34 ans en 2001, Ngoné Fall était commissaire invitée aux Rencontres de la photographie à Bamako. Elle était désignée, en 2016, présidente du jury de la biennale de Dakar. Forte de cette expérience, elle organise la même année une exposition au Danemark. Cette exposition intitulée "When Things Fall Aparat. Critical Voices on the Radars" mettait en avant les femmes artistes.
Destins croisés
Même si N’goné Fall semble aujourd’hui une personnalité incontournable sur la scène culturelle africaine en Europe, rien ne la prédestinait à un tel avenir. Née à Dakar en 1967, cette Sénégalaise nourrissant à 8 ans déjà, des envie de devenir architecte. Ayant intégré l’Ecole spéciale d’architecture de Paris, elle obtient son diplôme en 1993. A sa sortie, elle rencontre l’architecte Christian de Portzamparc et semble ainsi trouver sa voie. Mais c’était sans compter avec l’influence qu’aura sur elle Jean-Loup Pivin, lui aussi, architecte passionné par l’Afrique. Ce dernier fonde la Revue noire, en 1994, avec le commissaire d’exposition camerounais, Simon Njami.
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De 1994 à 2001, Ngoné Fall dirige la rédaction du magazine, ce qui lui permet, pendant 7 ans, de découvrir l’Afrique. Après l’épisode des Rencontre photographiques de Bamako, et son passage à l’Université Léopold Sédar Senghor d’Alexandrie en Egypte, comme professeur en gestion de l’art, elle va explorer d’autres horizons. Elle prend part, en 2011, à une réflexion sur la réforme des institutions culturelles hollandaises. En 2005, elle participe à la mise en place de la stratégie d’exploitation culturelle de la Barbade. Ces séjours en Afrique et dans d’autres pays d’Europe et d’Amérique, l’éloignent quelque peu de la France.
«Afrique 2020» semble aujourd’hui rapprocher, N’goné Fall de la France. Mais cette fois-ci, la Sénégalaise, l’Africaine, devrait-t-on dire, revient pour montrer comment les fils du continent voient le monde. «Je ne veux pas que les institutions françaises programment de l’Afrique, mais qu’elles produisent des idées et soient bousculées dans leur routine. Elles ne vont pas décider toutes seules de ce qu’est l’Afrique. Mais plutôt, nous, Africains, allons venir dire comment nous voyons le monde, quels sont nos rêves, nos fantasmes, nos obsessions», dit-t-elle dans le journal Monde Afrique.
Susciter une nouvelle vision de l’Afrique
Pour réussir son projet qu’elle veut panafricain et pluridisciplinaire, Ngoné Fall a invité quatre porteurs de voix africains. A savoir : Sarah Rifky, commissaire d’exposition basée au Caire, Folakunle Oshun, artiste co-commissaire de la Biennale de Lagos, l’écrivain camerounais Ntone Edjabe et la commissaire sud-africaine Nontobeko Ntombela. A en croire N’goné Fall, leur amour de l’Afrique, continent dans lequel ils vivent « par choix et non par défaut », et leur esprit critique, font d’eux des personnes indiquées pour l’aider à réussir "Afrique 2020".
Ils ont d’ailleurs fixé cinq grands axes que sont : l’oralité augmentée, l’économie et la fabulation, l’archivage d’histoires imaginaires, les systèmes de désobéissance, les fictions et mouvements non autorisés. «On veut parler des circulations des personnes, des biens et des idées. Nous allons aussi rappeler qu’on circule plus à l’intérieur du continent qu’à l’extérieur, que les plus grands champs de réfugiés se trouvent en Ouganda et Kenya et non en Italie ou à Calais», précise N’Goné Fall, dans Le Monde Afrique.
Et faire d'«Afrique 2020 une réussite, elle a pris son bâton de pèlerine. Au festival d’Avignon en France, en juillet dernier, elle a enchainé 80 rencontres en quatre jours. «Je suis l’entremetteuse. Je mets en relation des structures qui pourraient travailler sur les mêmes idées avec des points de vue différents. A chaque étape, les susceptibilités des 1,2 milliard d’Africains et des 67 millions de Français doivent être respectées», conclut-elle.