Vidéo. Le théâtre sénégalais menacé de disparition face à la montée fulgurante des productions audiovisuelles

Le360 / Moustapha Cissé

Le 21/10/2021 à 13h15

VidéoEmblème d'un art menacé de disparaître, le Théâtre national Daniel Sorano, qui accueillait jadis plusieurs pièces par an, n'est plus réservé qu'à des shows musicaux ou des spectacles destinés aux jeunes. Certains comédiens passionnés de leur métier font de la résistance. Mais jusqu'à quand?

Daniel Sorano n'a plus de théâtre que le nom, à cause de la montée fulgurante de la production audiovisuelle qui fait que les amateurs des belles oeuvres déclamées sur ses mythiques planches l'ont déserté.

"Nous comédiens sommes obligés de venir constituer le public quand jouent nos confrères et eux aussi en font de même, tellement les spectateurs se font rares", explique El Hadji Bocar Diallo, artiste comédien et formateur en théâtre. Voilà à quoi en est réduit le théâtre sénégalais et, avec lui, Daniel Sorano, qui ont connu leurs lettres de noblesse avec le premier président de la République du Sénégal.

Car, faut-il le rappeler, ce temple de la culture était le lieu de rencontre et de répétition de la troupe nationale dramatique créée en 1966 sur instructions de Léopold Sédar Senghor en prévision de l’organisation du Festival international des arts nègres qui s'est tenu au Sénégal, aux premières heures de l'indépendance.

Cela montre l’importance qu’avait le théâtre dans la politique culturelle du pays. Malheureusement, aujourd’hui, les planches ne sont plus ce qu’elles étaient pour plusieurs raisons. Il y a tout d’abord la précarité dans laquelle ont vécu plusieurs acteurs, souvent devenus des célébrités du petit écran, avant de finir leur vie en demandant de l'aide pour des soins médicaux. Il s’y ajoute l'impossibilité pour le théâtre de s'adapter aux nouveaux médias pour séduire la nouvelle génération. Il faut toujours aller au théâtre pour suivre une pièce, or aujourd’hui avec l’avancée de la technologie, on a chez soi les films à la demande.

On note une prolifération de productions qui est due à des facteurs comme la libéralisation du matériel audiovisuel et la possibilité pour les acteurs de diffuser sur leurs propres plateformes, qui échappent à tout contrôle de la part de la Direction de la cinématographie et de l’autorité de régulation, notamment le Conseil national de régulation de l'audiovisuel (Cnra).

Cette situation d’autoproduction de masse soulève de nombreux problèmes sur la qualité et surtout les conditions d’exercice de la profession d’acteur. Au Sénégal, si le théâtre respecte les valeurs du pays, on ne peut pas en dire autant des téléfilms et productions. 

Conséquence: l’ONG islamique Jamra, qui se battait contre une production obscène, a finalement eu gain de cause avec l’interdiction de diffuser à la télé la série "Infidèles". Ce qui n’a vraiment pas porté préjudice aux producteurs qui continuaient leur diffusion sur leur chaîne YouTube avec des millions de vues pour chaque épisode. Tout ceci fait qu’aujourd’hui, le théâtre perd de la place dans les habitudes des Sénégalais.

Les acteurs tiennent encore, mais pour combien de temps, difficile d’y répondre avec toutes les difficultés qu’ils rencontrent.

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 21/10/2021 à 13h15