Sénégal: le Khalife des Tidjanes s'invite dans une polémique politico-religieuse

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Le 28/05/2018 à 21h04, mis à jour le 29/05/2018 à 14h44

Le khalife général des Tidjanes vient de critiquer vertement l'un des adversaires politiques les plus en vue de Macky Sall, lui reprochant d'avoir défié Allah et de n'être plus Tidjane.

Au Sénégal, la vive polémique autour des déclarations jugées blasphématoires de l'ex-Premier ministre Idrissa Seck n'est pas près d'être étouffée. C'est désormais le très influent khalife général des Tidjanes qui s'invite au débat.

Pour rappel Idrissa Seck, que ses partisans appellent Ouztaz en référence à son excellente maîtrise des textes coraniques, avait tenu des propos qui ont heurté beaucoup de musulmans. Il s'interrogeait sur le vrai lieu de pèlerinage puisque dans un verset du Coran Allah parle de "Bakka" et non de Makka. Et pour lui Bakka pouvait renvoyer au verbe pleurer ou se lamenter et donc au Mur des Lamentations à Jérusalem. Dans cette même déclaration, il avait aussi utilisé des termes jugés désobligeants envers la branche arabe de la famille des descendants d'Abraham dont est issu le prophète Mohammed. Et enfin, il avait expliqué le conflit israélo-palestinien comme une simple querelle entre demi-frères, les descendants d'Isaac ou Israël, fils de Sarah d'une part, et ceux d'Ismail, fils de Hajar d'autre part. 

Ces propos ont été condamnés par plusieurs prêcheurs qui se fondent sur un argumentaire religieux, en expliquant notamment qu'à côté du terme Bakka, le même verset faisait aussi allusion à plusieurs éléments qui n'existent qu'à la Mecque. Parmi ceux-ci figurent notamment la Kaaba, Mousdalifa, Safa et Marwa, etc. Il n'empêche que la virulence des propos de certains laissait penser qu'il ne s'agissait pas seulement de corriger l'homme politique. Certains n'ont pas hésité à sortir des fatwas pour l'exclure de la religion musulmane, ce qui fait dire aux partisans du candidat déclaré à l'élection présidentielle de 2019 qu'il s'agit d'une campagne orchestrée par le parti au pouvoir. Ce qui n'est pas tout à fait faux quand on sait qu'au Sénégal, de tout temps, il a existé des relations critiquables entre religieux et les hommes de pouvoir. Néanmoins, cette fois, l'impact politique de ces sorties incite à s'interroger sur les motivations des uns et des autres. 

Car Idrissa Seck, juste avant cette vive polémique, était présenté par une partie de la presse comme le plus farouche adversaire politique de Macky Sall. Au Sénégal, il n'y a pas de sondages politiques réguliers, il n'est donc pas possible de dire comment la cote de popularité d'Idrissa Seck a évolué suite à cette polémique. Toujours est-il que tout ceci ne le laisse pas indemne. 

Sentant que les choses risquaient de prendre des proportions démesurées, Idrissa Seck a organisé une conférence de presse pour présenter ses excuses à la Oumma islamique en général et au Sénégal en particulier. Sauf que lors de cette conférence, le leader du parti Rewmi (Le Pays) va commettre une deuxième erreur de communication en évoquant officiellement son appartenance confrérique. "Je voudrais que l'on sache que j'aspire à être un très bon musulman et un fervent discipline de Khadim Rassoul (c'est-à-dire Mouride, NDLR)". Or, jusqu'ici beaucoup pensaient qu'Idrissa Seck était de la confrérie des Tidjanes. Par cette déclaration certains y ont vu une renonciation à ses engagements, voire un affront à la tariqa Tidjaniyya. 

Quoi qu'il en soit, ce week-end, alors que les choses commençaient pour Idrissa Seck, la plus haute autorité de la Tidjaniyya sénégalaise, le chef de la branche des Sy, s'est invitée au débat. Serigne Mbaye Sy Mansour a déclaré, lors d'une rencontre couverte par l'ensemble des médias, qu'Idrissa Seck avait déclaré la guerre à Allah et au Prophète Mohammed. "Il peut défier tout le monde, sauf Allah", a-t-il dit, faisant allusion à Idrissa Seck, sans le nommer une seule fois. Mais, le Khalife des Tidjanes reproche également à Idrissa Seck d'avoir renié la confrérie dont il est l'illustre représentant. "Vouloir faire mal aux gens (aux Tidjanes, NDLR) au point de déclarer qu'on a laissé la tariqa Tidjaniyya(...), on en a vu d'autres. Il parlera au point de se déchirer, ses voeux ne seront jamais exaucés", a-t-il déclaré d'un ton ferme. Et tout au long de son discours, il lui reprochera soit d'avoir offensé les musulmans soit de n'être plus Tidiane. Une telle déclaration sonne une vraie fatwa contre l'adversaire de Macky Sall. 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 28/05/2018 à 21h04, mis à jour le 29/05/2018 à 14h44