Espagne: rapatriement en catimini des Sénégalais des Canaries

Sénégalais rapatriés

Sénégalais rapatriés. dr

Le 09/08/2018 à 12h08, mis à jour le 09/08/2018 à 12h10

Des immigrés clandestins sénégalais, viennent d'être rapatriés des Iles Canaries, et atterrissent par dizaines à l’Aéroport international Blaise Diagne de Diass. A 6 mois des élections présidentielles, l’Etat craint de donner une mauvaise image aux Sénégalais.

La ruée des jeunes africains vers «l’Eldorado» européen reste un véritable casse-tête pour les gouvernements. Au Sénégal, des dizaines de pirogues remplis de jeunes continuent de quitter les côtes et mettent le cap sur l’archipel espagnol des Iles Canaries. Les rares qui ont la chance d’arriver sur place, vivent dans des conditions tellement précaires que les Etats africains sont obligés de les ramener. Mais ce rapatriement doit se faire en toute discrétion pour ne pas heurter la sensibilité des familles des rapatriés.

La dernière trouvaille de l’Etat du Sénégal est de ramener les clandestins par petits nombres. Depuis ce lundi 6 août, ces immigrés atterrissent par groupes de 10, dans des vols différents. Par cette manœuvre, le gouvernement de Macky Sall veut, à quelques mois de la prochaine présidentielle, éviter de commettre les mêmes erreurs que le régime précédent.

Pour rappel, le gouvernement de l’ex-président Abdoulaye Wade avait l’habitude de ramener les émigrés clandestins sénégalais dans des vols spéciaux. A leur arrivée, ils étaient parqués au Camp militaire de Saint-Louis.

Sans tambour ni trompette, ces candidats malheureux à l’immigration en Europe, arrivent au compte-gouttes en provenance des Iles Canaries. Selon nos sources à l’AIBD, «certains de ceux qui ont déjà atterri contactent leurs parents pour leur annoncer leur mésaventure, tandis que d’autres cherchent les moyens de rentrer chez eux».

Les parents des immigrés clandestins qui n’ont pas encore embarqu'é tentent en vain, de joindre leurs fils. Et pourtant, ces derniers étaient joignables depuis leur arrivée aux Canaries. Selon eux, «c’est l’Etat qui a coupé les contacts pour éviter que la nouvelle se répande». Il faut dire que certains d’entre eux avaient consenti d’énormes sacrifices pour permettre à leur fils d’aller en Europe, à la recherche d’un meilleur avenir.

L’omerta de l’Etat dans cette affaire augmente l’inquiétude chez les parents qui cherchent, par tous les moyens, à avoir des nouvelles de leurs proches.

L’histoire semble toutefois se répéter. En effet, des centaines d’immigrés clandestins sénégalais avaient été rapatriés d’Espagne entre 2009 et 2011. A l’époque, les rapatriés avaient soupçonné un accord secret entre Abdoulaye Wade, prédécesseur de Macky Sall, et le gouvernement espagnol. «L’Etat du Sénégal avait accepté de recevoir une enveloppe de 13 milliards de francs Cfa (19,5 millions d’euros) de la part du gouvernement espagnol, contre leur rapatriement», avaient-t-ils soutenu.

Tout récemment, le Parlement européen voulait imposer le visa aux Sénégalais détenteurs de passeport diplomatique. Mais l’Espagne avait opposé son véto. Avec ce rapatriement, dans la discrétion, des immigrants clandestins sénégalais des iles Canaries, tout porte à croire qu’il y a un accord secret entre le gouvernement espagnol et celui du Sénégal.

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 09/08/2018 à 12h08, mis à jour le 09/08/2018 à 12h10