Il est pourtant présenté par Sidiki Kaba, ministre sénégalais des Affaires étrangères, comme « un événement important de l’agenda diplomatique du chef de l’Etat (Macky Sall, ndlr)». Sauf que voilà: l’édition de cette année est la pire rencontre de ce type jamais organisée.
Alors que les quatre premières éditions du forum de Dakar avait donné lieu à un véritable ballet diplomatique, que chefs d’Etats et ministres venus des quatre coins du continent se retrouvaient au Centre international de conférence Abdou Diouf (CICAD) pour échanger sur les enjeux de la paix et de la sécurité en Afrique, l'édition 2018 n'a pas eu autant de panache.
Cette année, en effet, personne n’est venu, sauf Adama Barrow, le chef de l’Etat gambien, qui ne se fait jamais prier lorsque Macky Sall a besoin de lui. Où sont donc passés les présidents des cinq pays du G5 Sahel, à savoir, Mohamed ould Abdel Aziz de Mauritanie, Ibrahim Boubacar Keïta du Mali, Mahamoudou Issoufou du Niger, Idris Déby du Tchad ou encore Roch Marc Christian Kaboré du Burkina Faso?
Aucun d’eux n’a jugé utile de se déplacer. Pire encore, aucun n’a jugé opportun de se faire représenter par son Premier ministre ou son ministre des Affaires étrangères. Ce forum a donc été un nouveau moment de grande solitude pour le président sénégalais, qui connaît de plus en plus d’échecs sur le plan diplomatique.
Il faut rappeler que lors des 4 premières éditions, de 2014 à 2017, une longue liste de personnalités de premier rang ont honoré le forum de leur présence: du rwandais Paul Kagame au Nigérian Muhammadu Buhari, en passant par le Maurtianien Mohamed ould Abdel Aziz, le Malien Ibrahim Boubacar Keïta et le Tchadien Idriss Déby.
Et uniquement l’année dernière, en novembre 2017, le forum avait accueilli 23 chefs d’Etat et ministres de haut rang. Mais pour 2018, il est difficile d’en dire autant.
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Pourtant, comme lors des précédentes éditions, la question de la sécurité au Sahel devait être abordée, de même que celle du terrorisme en général dans diverses parties du continent.
Le chef de l’Etat Burkinabè, dont le pays fait actuellement face à une recrudescence de violences djihadistes, aurait pu répondre à l’appel de son homologue sénégalais, tout comme le Centrafricain Faustin Achange Touadera. Mais tous deux ont préféré activer d’autres leviers diplomatiques que celui de Dakar pour obtenir le soutien de la France, coorganisatrice du forum de Dakar.
La France, qui veut par ailleurs renforcer son influence en Centrafrique face à la Russie, a déjà donné un premier chèque de 24 millions d’euros à Bangui. Jean Yves Le Drian, le ministre français des Affaires étrangères y était il y a tout juste quatre jours, le 2 novembre dernier.
Quant à Ouagadougou, Florence Parly, ministre français de la Défense, lors de sa récente visite au Tchad, les 8 et 9 octobre, avait rappelé que l’offre de déployer l’opération Barkhane jusqu’au Burkina Faso, faite en juillet dernier, était toujours valable.
La Mauritanie, quant à elle, estime que le leadership de Dakar est improductif en matière de sécurité, puisque le Sénégal n’est toujours pas touché par le terrorisme. De plus, Nouakchott ne veut pas que son voisin du Sud lui fasse de l’ombre, et c’est en partie ce qui explique le fait que le Sénégal n'est toujours pas admis dans le cercle très fermé du G5 Sahel, malgré le lobbying intense de Paris.
Autant de faits qui peuvent expliquer - en partie - que les chefs d’Etat et de gouvernement, les ministres et autres responsables des instances du continent se désintéressent petit à petit de ce forum qui tend à n’intéresser désormais que les cercles privés. Car cette manifestation reste du pain béni pour les sociétés qui s’activent dans la sécurité, l’équipement militaire, dont les responsables vont à la rencontre de leurs clients africains. Mais sans les officiels, ces marchands en tous genres ne tarderont pas, eux aussi, à se faire désirer. Et le forum de Dakar s'en retrouvera encore un peu plus terni...