Sénégal: toute l’opposition derrière Karim Wade et Khalifa Sall

Khalifa Sall et Karim Wade

Khalifa Sall et Karim Wade. DR

Le 15/01/2019 à 12h19, mis à jour le 15/01/2019 à 12h20

A deux mois du scrutin, l’opposition sénégalaise conteste la décision du Conseil constitutionnel d’invalider les candidatures de Khalifa Sall et Karim Wade à la présidentielle. Plusieurs leaders promettent même une riposte à la hauteur de cette imposture.

Khalifa Sall, ex-maire de Dakar, candidat de la coalition «Taxawu Senegaal/ "Etre aux côtés du Sénégal"» et Karim Wade, leader du mouvement «Karim Président 2019» ne vont peut-être pas participer à la présidentielle sénégalaise, qui aura lieu le 24 février 2019.

Sur les 27 candidats qui ont déposé un dossier de candidature pour prendre part à ces joutes électorales, le Conseil constitutionnel n’en a finalement retenu que 5, dont celui de Macky Sall, le président sortant, de l’Alliance Pour la République (APR), Ousmane Sonko du Pastef, Idrissa Seck du Rewmi et El Hadji Issa Sall du Parti de l'Unité et du Rassemblement (PUR).

Toutefois, cette décision du Conseil constitutionnel est actuellement contestée par l'ensemble des leaders de l’opposition, y compris les quatre candidats ayant passé avec succès l'épreuve initiale de validation. Tous regrettent la mainmise de Macky Sall sur la justice du pays, car tout paraît se dérouler conformément à un plan préalablement mis en place. 

Le PDS promet une réponse judicaire

Premier concerné par cette décision des 7 juges du Conseil constitutionnel, Omar Sarr, le premier secrétaire général du Parti Démocratique Sénégalais (PDS) de l’ancien président, Abdoulaye Wade, n’a pas tardé à réagir. Selon lui, "le Conseil constitutionnel agit sous le diktat de Macky Sall". Il promet tout de même "une réponse judiciaire et politique" à la mesure de cette décision. 

"C’est une décision de Macky Sall via le Conseil constitutionnel". Le mandataire du PDS a d'ailleurs décidé de s’en remettre "aux avocats" de son parti pour examiner la meilleure stratégie à adopter.

Même son de cloche chez Assane Ba, également membre du comité directeur du PDS: "nous maintenons cette position, parce que nous ne voyons pas les raisons qui peuvent fonder cette décision de Macky Sall et de son Conseil constitutionnel". Selon lui, les arguments de cette institution "ne tiennent pas la route [car] Karim [Wade, fils de l'ancien président Abdoulaye Wade, Ndlr], est régulièrement inscrit sur les listes électorales. La loi [sur les parrainages, votée en avril 2018, Ndlr] ne peut pas être rétroactive... Nous prendrons nos responsabilités parce que nous n’accepterons pas ce diktat", conclut-il fermement. 

La position de son parti est donc sans équivoque: "il n’y aura pas d’élection présidentielle sans Karim Wade", a-t-il lancé, menaçant.

Le droit n’a pas été dit

Quant à Mamadou Thioye Ba, mandataire de Khalifa Sall, Taxawu Senegaal, il évoque une "forfaiture". "Nous notons, encore une fois que le Conseil constitutionnel n’a pas dit le droit. Cette décision relève d’une forfaiture. Les juges ont décidé d’aider Macky Sall à éliminer des adversaires politiques", a-t-il affirmé.

Et d'ajouter: Macky Sall "a décidé d’être lâche jusqu’au bout. Mais les partisans de Khalifa Sall [ancien maire de Dakar, dont la candidature a été déboutée par le Conseil constitutionnel, Ndlr] n’entendent pas rester sans réagir. Nous avons décidé d’être debout jusqu’au bout". "Ils doivent savoir qu’il n’y aura pas d’élection dans ce pays s’il n’y a pas les candidatures de khalifa Sall et de Karim Wade. Notre riposte sera à la mesure de cette forfaiture que vient de faire le Conseil constitutionnel", a-t-il lui aussi tout aussi fermement affirmé.

Une décision dictée par Macky Sall

De son côté, l’ancien député du parti Rewmi d’Idrissa Seck, Thierno Bocoum, n’y est pas allé, lui non plus, par quatre chemins pour fustiger ce qu'il n'est pas le seul à estimer qu'il s'agit là d'une stratégie d’élimination des adversaires de Macky Sall, subtilement orchestrée par ce dernier, depuis le début.

"Quand il nous faisait comprendre, à travers des actes précis, jalonnés dans le temps, que Karim Wade et Khalifa Sall ne seront pas candidats, nous n’étions pas encore devant le fait accompli. Des décisions de justice n’avaient pas abouti à de telles interprétations. Plusieurs mois de combat étaient devant nous", regrette-t-il.

Et d'ajouter: "quand il nous faisait comprendre qu’il maintiendrait l’actuel ministre de l’Intérieur, membre de son propre parti, contre vents et marées, pour l’organisation des élections, nous avions du temps pour nous battre et imposer le respect de nos acquis démocratiques".

"Nous devons rester unis dans l’effort si nous voulons faire face aux enjeux et distribuer de l’espoir à notre cher peuple", a-t-il conclu, rassembleur. 

Un désaccord entre les 7 juges du Conseil constitutionnel

Seybani Sougou, Sénégalais établi en France, souligne quant à lui un "désaccord" qu’il y a eu entre les 7 juges du Conseil constitutionnel.

"Ce qui se passe actuellement au Sénégal est ahurissant: les 7 Sages se sont "retranchés" toute la journée et la nuit du dimanche 13 janvier 2019 au siège du Conseil Constitutionnel et ne sont pas parvenus, à minuit, à publier la liste provisoire des candidats à l’élection présidentielle. Un scénario inédit, digne d’une tragédie grecque", témoigne cet électeur, traduisant ainsi le sentiment de la population sénégalaise face à cette situation inédite dans le pays. 

Ce Sénégalais expatrié regrette que de tels faits se produisent dans son pays. "Disons-le clairement: toutes les explications du monde ne suffiront pas pour justifier cet extraordinaire cafouillage, qui témoigne d’un amateurisme sans précédent. Jamais dans l’histoire du Sénégal, la publication de la liste provisoire des candidats n’a donné lieu à un tel spectacle. L’argument officiel selon lequel les Sages continuent les travaux ne convainc personne", soutient ainsi Seybani Sougou. 

Quoi qu'il en soit, le scrutin présidentiel de février prochain au Sénégal, se trouve d'ores et déjà, à cette période pré-électorale, plongé dans un scénario inédit, que n'a encore jamais connu ce pays, habitué à une alternance démocratiquement votée. 

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 15/01/2019 à 12h19, mis à jour le 15/01/2019 à 12h20