Sénégal. Présidentielle: à 93 ans, l’ancien président Abdoulaye Wade fait son grand retour

Macky Sall et Abdoulaye Wade

Macky Sall et Abdoulaye Wade. dr

Le 04/02/2019 à 14h50, mis à jour le 04/02/2019 à 14h53

Abdoulaye Wade est annoncé à Dakar ce jeudi 7 février 2019 à 15 heures. Ce retour au bercail de l’ancien président de la République du Sénégal, à l’heure où la course aux alliances est lancée en direction du scrutin du 24 février 2019, pourrait être décisif pour l’un des opposants à Macky Sall.

L’ancien président de la République, Abdoulaye Wade "arrivera par vol spécial, ce jeudi 7 février 2019 à 15 heures, à l’Aéroport International Blaise Diagne", informe un communiqué du Parti démocratique sénégalais (PDS).

Selon les partisans du Pape du «Sopi» (le "changement" en wolof), "l’accueil ne se fera pas au niveau de l’aéroport".

Ils précisent toutefois que "le président Wade passera dans les villes de Rufisque, Pikine, Guédiawaye et s’arrêtera dans plusieurs communes de la ville de Dakar".

Mais une question est sur toutes les lèvres: qui donc Abdoulaye Wade va-t-il soutenir, lors de cette élection présidentielle, après l’élimination de la candidature de son propre fils, Karim Wade, par le Conseil constitutionnel?

De nombreux Sénégalais pensent que l’ancien Chef de l’Etat, de par sa popularité et l’estime dont il bénéficie au Sénégal, pourrait bien être un faiseur de roi.

Il faut dire que, trois des cinq candidats retenus pour cette présidentielle sont des "fils spirituels" de l’ancien président de la République. A savoir: Macky Sall, actuel président et candidat sortant, Idrissa Seck, le leader du parti Rewmi et Madické Niang, de la coalition "Madické 2019".

Wade-Macky, quasi-impossible

Selon quelques Sénégalais, mais ils sont rares, Abdoulaye Wade pourrait soutenir le président sortant, Macky Sall. Mais cette hypothèse est balayée d’un revers de main par la plupart des fils du pays.

"Les relations entre les deux hommes ont toujours été tendues depuis 2009. L’emprisonnement de Karim et son exil forcé ne favorisent pas des retrouvailles entre les deux hommes, à moins qu’il ne s’agisse d’un deal, comme semblent l’évoquer des personnalités", expliqué Jean Diatta, professeur universitaire, sur le site seneweb. 

Cependant, ajoute-t-il, "il faut reconnaitre un fait: récemment, Macky a parlé de l’éventualité d’une amnistie à accorder à Karim et à Khalifa Sall [l'ancien maire de Dakar, actuellement en prison, NDlr], s’il arrivait d’être réélu. Son seul souci, c’est d’avoir son second mandat".

Il précise que Macky Sall a toujours été critiqué de la manière avec laquelle le dossier Karim Wade a été géré. De l’avis de la plupart des sénégalais, "le fils d’Abdoulaye Wade a été condamné par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) pour, uniquement empêcher un sérieux adversaire de Macky Sall de se présenter à la prochaine présidentielle".

 

Le soutien de Wade à Idrissa Seck serait une surprise

L’autre possibilité avancée par les Sénégalais est que l’ancien chef de l’Etat pourrait porter son choix sur Idrissa Seck, son ancien Premier ministre. Maiss cette hypothèse est, elle aussi, aussi jugée «improbable» par Jean Diatta.

"Tout le monde sait que le seul combat d’Abdoulaye Wade est de voir un jour son fils devenir président de la République. Dès lors, en soutenant Idrissa Seck, il prendra le risque d’élire un président qui voudra inévitablement avoir deux mandats. Cela veut dire que si "Idy" [surnom d'Idrissa Seck, Ndlr] est élu grâce au soutien de Wade, Karim devrait logiquement attendre jusqu’en 2029 pour se présenter, c’est-à-dire après les deux mandats de Seck. En plus, absolument rien ne garantit que si Idrissa Seck arrive au pouvoir, il prendra le risque d’amnistier Karim qui deviendra véritablement l’un de ses principaux opposants», explique encore ce profeseur universitaire, au fait des calculs politiciens. 

Cette explication avancée, à propos d’une alliance entre le Rewmi d’Idrissa Seck et le PDS d’Abdoulaye Wade, est d'ailleurs également valable pour le reste des candidats.

La neutralité serait suicidaire pour le Pds d’Abdoulaye Wade

A quelques jours de l’arrivée du Pape du Sopi à Dakar, certains journaux et sites sénégalais parlent de sa possible neutralité par rapport aux candidats qu’il pourrait soutenir.

Mais en adoptant une telle attitude, le PDS et son maître, seraient immédiatement faits "hara kiri", à l’image des grands maîtres japonais en fin de règne.

Abdoulaye Wade risque donc fort d’être désavoué par les militants du PDS et les sympathisants du parti. 

Plusieurs d’entre eux, qui ne l'ont pas encore fait, s'apprêtent d'ailleurs rejoindre les autres coalitions. «L’avenir politique de son fils sera alors hypothéqué» soutient Jean Diatta.

Il faut toutefois noter que, tel un sphinx, Wade père, 93 ans, et bon pied bon oeil, renaît toujours de ses cendres. Il est donc évident qu’avec la stratégie qu’on lui connaît, il usera de toutes ses possibilités pour tirer son épingle du jeu. En attendant, les supputations vont bon train. 

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 04/02/2019 à 14h50, mis à jour le 04/02/2019 à 14h53