L’Assemblée nationale a voté mercredi, à l’unanimité, le texte de loi habilitant le président de la République à prendre, par ordonnance, des décisions relevant du domaine de la loi dans le cadre de la lutte contre le virus Covid-19.
Hier matin, la présence des députés a été limitée à seulement 33 représentants qui ont été choisis par consensus sur les 165 députés de l’Assemblée nationale, pour respecter l’état d’urgence dont l’interdiction des rassemblements dans un contexte marqué par la propagation du virus.
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Le projet défendu par le ministre de la Justice, et Garde des sceaux, Me Malick Sall, ne s’est heurté à aucune opposition. L’Etat doit agir vite selon plusieurs responsables politiques. Seulement, cette loi donne trop de liberté au président de la république selon l’activiste Guy Marius Sagna, qui redoute que le président n’en abuse.
Ngouda Mouhamad Mboup, professeur de droit à l'Université de Dakar, appelle, pour sa part, à "rester vigilant", car pour lui "l'omnipotence législative du président de la République est excessive et dangereuse".
"J’y vois une tentative et une tentation de profiter de la crise, qui existe bel et bien -il ne s’agit pas de nier la gravité de la situation- mais c’est précisément lorsqu’on est en temps de crise que le respect de la légalité est encore plus important", a-t-il dit dans une publication largement partagée sur Facebook.
Selon lui, "Nous ne sommes pas sous le régime de l'article 52 de la Constitution qui donne les pleins pouvoirs au président de la république, nous sommes sous le régime de l'article 69".
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En outre, il estime que "ce qui est en train de se faire n'est pas conforme à ce que prévoit la loi du 29 avril 1969. Là, avec le régime d’état d’urgence, la consultation du Conseil constitutionnel n’est pas prévue. Donc paradoxalement, et bien sûr, les libertés, le rôle du Conseil constitutionnel, des tribunaux et le rôle du parlement sont mieux garantis par les articles 69 et 77 dans le recours aux lois d’habilitation".
L'opposant Oumane Sonko, arrivé deuxième à la présidentielle de février 2019, est également du même avis, estimant que l'habitation qui vient d'être donnée à Macky Sall n'a pas été encadrée comme ce fut le cas en 1994 ou en 1961 et 1968. Selon lui, cette loi donne un "blanc-seing au président de la république", puisqu'elle rend difficile voire impossible le "contrôle a posteriori".
De plus, "les pouvoirs exceptionnels généraux ne peuvent être accordés au président de la république qu’en vertu, d’une part des dispositions de l’article 52 de la constitution et non l’article 77 invoqué, et sur la base de circonstances particulières limitativement énumérées", s'offusque-t-il.
Une position partagée par l’ancien président du groupe parlementaire de la majorité, Moustapha Diakhaté. Aujourd’hui banni par son parti, l’ancien député estime que cette loi conduira le pays à la dictature avec de supers pouvoirs servis sur un plateau au président de la république qui, selon lui, a profité de la situation pour fourrer toute sa volonté de domination dans cette loi.