Sénégal: l’éternel Abdoulaye Wade fête ses 94 ans

Abdoulaye Wade : ancien pésident du Sénégal

Abdoulaye Wade : ancien pésident du Sénégal. DR/

Le 29/05/2020 à 19h41, mis à jour le 30/05/2020 à 16h59

Huit ans après avoir cédé le pouvoir au profit de son ancien protégé Macky Sall, l’ancien président Abdoulaye Wade est encore un homme vénéré au Sénégal et fête aujourd’hui ses 94 ans.

Né officiellement le 29 mai 1926, selon l’état civil, Abdoulaye Wade aurait plus que 94 ans dans la mémoire collective des Sénégalais. Il a affirmé à plusieurs reprises avoir couru derrière la monture du fondateur du mouridisme, Cheikh Ahmadou Bamba, qui, lui, est décédé en 1927.

Quel enfant d’un an aurait pu réussir une telle prouesse et surtout à s'en rappeler avec force détails? Vérité ou légende, Wade aime entretenir le mystère sur son âge véritable. Mais, sur son gâteau d'anniversaire ce 29 mai 2020, il y aura 94 bougies.

Des prouesses il en a réussi de nombreuses dans sa vie. D’abord en 1974, en plein cœur du parti unique, il convainquait le président de l’époque Léopold Sédar Senghor de le laisser mettre sur pied un parti de "contribution qui n’irait jamais aux élections" contre lui, mais qui permettrait de rehausser l’image démocratique du Sénégal sur la scène internationale.

Feu le président Senghor avait évidemment accepté, avant de se rendre compte plus tard qu'il ne s'agissait là que d'une ruse. En effet, à l'élection présidentielle de 1978, Abdoulaye Wade allait bien déposer sa candidature, à la surprise générale. Interpellé par Senghor, il lui dira que sans sa candidature, tout le monde comprendra que le Parti démocratique sénégalais (PDS) n'était qu'un deal.

Le premier président sénégalais le surnommera "Ndiombor", littéralement "le lièvre". Cet animal a, dans l'imaginaire wolof, la ruse du renard. Wade venait de réussir là où tout le monde avait échoué, notamment le professeur Cheikh Anta Diop, dont le parti politique ne sera pas reconnu, mais aussi l'ex-Président du Conseil, Mamadou Dia. Ce dernier a même été obligé de renoncer à la politique à la suite de fausses accusations de tentative de coup d'Etat.

En 2000, après plusieurs élections perdues contre le successeur de Senghor, Abdou Diouf, Abdoulaye Wade réussit enfin à le battre lors d’un scrutin mondialement salué pour sa transparence.

L’homme du 19 mars

Après 26 ans d’opposition, Abdoulaye Wade devient le troisième président de la République du Sénégal. L’histoire retiendra que c’est avec lui que le pays a connu les plus grands travaux. Surnommé le bâtisseur, il changera complètement l’image de la capitale, avec notamment la construction d’échangeurs, de ponts, d’écoles et d’hôpitaux. Sa plus grande et utile réalisation est l’autoroute à péage qui permet de rallier Thiès (la deuxième ville du pays) en seulement quelques minutes, alors qu’il fallait passer plusieurs heures dans d'interminables embouteillages, auparavant.

Seulement la construction ayant un coût, la vie devient chère à Dakar: le prix des denrées alimentaires augmente, l’électricité manque et les émeutes commencent. Par-dessus le marché, il a la mauvaise idée de vouloir briguer un 3e mandat en 2012, après avoir crié partout que la Constitution ne lui en permettait que deux.

Mars 2012, un mythe s’effondre et une légende naît

Malgré les 13 morts, un chiffre élevé pour le Sénégal, lors de manifestations contre sa candidature, Abdoulaye Wade se présente à l’élection présidentielle. Mais il est battu par son ancien premier ministre, Macky Sall. Sans le discuter, Wade accepte le résultat et sort par la grande porte.

À nouveau dans l’opposition, il dirige la liste de la coalition Wattu Sénégal aux élections législatives de 2017, et arrive 2e derrière la grande coalition du président Macky Sall, lors d’élections contestées.

En 2019, son candidat, qui n’est autre que son fils Karim, est empêché de participer à la présidentielle parce que condamné pour enrichissement illicite. Abdoulaye Wade appelle au boycott et au sabotage avant de revenir à la raison, mais s’abstient de soutenir un prétendant.

A ce jour, il est le seul homme politique sénégalais à avoir connu l’opposition, le pouvoir et encore l’opposition. A 94 ans, il n’a toujours pas baissé les armes et il continue de défier le temps.

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 29/05/2020 à 19h41, mis à jour le 30/05/2020 à 16h59