Ousmane Sonko, dont l'arrestation la semaine passée a déclenché les pires affrontements que le Sénégal ait connus depuis des années, a persisté après cinq jours entre les mains des gendarmes à défier le pouvoir et appelé à une mobilisation "beaucoup plus importante" mais "pacifique", parlant d'une "révolution en marche".
S'exprimant devant la presse au quartier général de son parti devant lequel se pressaient des centaines de supporteurs scandant "prési, prési" ("président"), M. Sonko a assuré que M. Sall n'était plus "légitime à diriger le Sénégal", mais s'est opposé à un renversement par la force et s'est inscrit dans la perspective de la présidentielle prévue en 2024.
Après plusieurs jours de confrontations, de pillages et de saccages dans le pays considéré d'ordinaire comme un îlot de stabilité en Afrique de l'Ouest, et malgré la libération de M. Sonko, Dakar a été le théâtre de nouveaux affrontements entre jeunes hommes sympathisants de celui-ci et forces de sécurité.
"Tous, ensemble, taisons nos rancœurs et évitons la logique de l'affrontement qui mène au pire", a dit M. Sall, brisant sur la télévision nationale un silence de plusieurs jours. Répondant à de nombreux appels en ce sens, il a annoncé le raccourcissement de trois heures du couvre-feu en vigueur depuis début janvier dans les régions de Dakar et Thiès.
Il a exhorté à laisser la justice "suivre son cours en toute indépendance" dans le dossier de viols présumés qui vise M. Sonko.
M. Sonko, troisième de la présidentielle de 2019 et pressenti comme un des principaux concurrents de celle de 2024, a été arrêté le 3 mars officiellement pour trouble à l'ordre public, alors qu'il se rendait en cortège au tribunal où il était convoqué pour répondre à des accusations de viol portées contre lui par une employée d'un salon de beauté dans lequel il allait se faire masser pour, dit-il, soulager ses maux de dos.
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Personnalité au profil antisystème, le député crie au complot ourdi par le président lui-même pour l'écarter de la prochaine présidentielle.
L'arrestation de M. Sonko a non seulement provoqué la colère de ses partisans. Elle a aussi, disent de nombreux Sénégalais, porté à son comble l'exaspération accumulée par la dégradation, au moins depuis le début de la pandémie de Covid-19 en 2020, des conditions de vie dans un pays déjà pauvre.
Au moins cinq personnes ont été tuées dans les heurts de la semaine passée. M. Sonko a fait état d'au moins dix morts, dont il a désigné le chef de l'Etat comme "seul" responsable.
Ousmane Sonko a été présenté lundi matin à un juge. Il a été "inculpé dans le dossier de viols et placé sous contrôle judiciaire", a dit à la presse l'un de ses avocats, Me Cira Clédor Ly. "Il rentre chez lui. Il est libre", a précisé un autre conseil, Étienne Ndione.
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Devant le risque d'escalade, des blindés de l'armée surmontés de mitrailleuses ont été positionnés en différents points de la ville, sur la place de l'Indépendance par exemple , centre du quartier névralgique du Plateau, siège des grandes institutions, dont la présidence, placée sous haute protection.
Des milliers de partisans d'Ousmane Sonko ont convergé dans l'après-midi sur la place de la Nation, lieu traditionnel des rassemblements dans la capitale sénégalaise. Des affrontements ont éclaté en tête de la manifestation sans raison claire. La police a fait usage de gaz lacrymogène pour disperser les manifestants, souvent très jeunes, qui les bombardaient de pierres, selon des correspondants de l'AFP.
Les différentes parties, à commencer par le président, étaient pressées de toutes parts de trouver les voies de la désescalade.
Le président a démenti fin février les mises en cause de M. Sonko quant au rôle qu'il aurait joué dans ses ennuis. Confronté à des choix délicats entre indépendance proclamée de la justice, pression de la rue, et conséquences politiques du sort de M. Sonko, il avait depuis gardé le silence en public sur l'affaire.