Excision: le Sénégal avance, Dakar paradoxalement recule

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Le 07/02/2017 à 11h09, mis à jour le 07/02/2017 à 12h53

Alors que l’Unicef célèbre ce lundi 6 février 2017, la quatorzième journée de lutte contre l’excision, au Sénégal la société civile et le gouvernement ont les yeux rivés sur les chiffres. Des pas de géants sont accomplis dans le milieu rural, mais à Dakar, paradoxalement, on recule.

En plusieurs années de lutte, plusieurs localités de l’intérieur du pays ont catégoriquement dit non à la pratique de l’excision. Cependant, Dakar la capitale est de plus en plus touchée. Ce paradoxe est lié à l’exode rural et aux diverses migrations. Car, si les ethnies majoritaires au Nord comme les Ouolofs et les Sérères et la plupart des Toucouleurs ne pratiquent l’excision, dans le sud et à l’Est, chez les mandingues voire les peuls du Fouladou, par contre, c’est une tradition bien ancrée. C’est aussi le cas en Gambie, en Guinée et surtout au Mali. Du coup, la capitale sénégalaise est de plus en plus touchée.

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De façon générale, même si la pratique de l’excision perd chaque année du terrain, elle est toujours existante. Elle est principalement pratiquée en milieu rural sur près de 35% des filles et femmes de 14 à 49 ans. En milieu urbain, l’excision est pratiquée sur 22% des filles. Cependant, pour échapper aux farouches militants anti-excision, certaines «grand-mères exciseuses» ont déménagé pour s’installer dans les villes. Ainsi, l’excision a suivi le même chemin que l’exode rural et les différentes migrations.

Par conséquent, son taux de prévalence a connu une augmentation de 8% à Dakar en 2015. De quoi inquiéter aussi bien les militants qui croyaient que les grandes villes étaient acquises à leur cause, que les autorités gouvernementales.

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130 millions de femmes

Dans une étude récente, le Groupe d’Études et de Recherches au Développement (GERAD) explique le recul du pourcentage de personnes excisées par l’urbanisation poussée des zones limitrophes du Sénégal. Mais, «les premières études avaient ignoré Dakar car, nous considérions que la capitale serait épargnée par l’augmentation du taux d’excision», note Coumba Thiam Ngom, Directrice de cabinet du ministre de la Femme, de la Famille et de l’Enfance. Cependant, il y a de quoi être rassuré. «Jusqu’en décembre 2015, 6176 communautés ont déclaré avoir abandonné la pratique de l’excision au Sénégal», s’est réjouie Andrea Wojnar Diagne représentante résidente du Fonds des Nations unies pour la Population (Unfpa).

130 millions de femmes excisées à travers le monde. Toutes les secondes, une fille de moins de 12 ans est mutilée. L’humanité crie halte au massacre. Selon l’Unicef, environ, 130 millions de femmes et filles sont excisées dans le monde. Malheureusement, ces chiffres pourraient doubler d’ici 2050 si la pratique n'est pas révolue. Une fille de moins de 12 ans est victime d’une mutilation sexuelle toutes les secondes. Dans des pays comme l’Erythrée et le Mali, les filles de moins de 5 ans excisées représentent respectivement 44 et 29% du pourcentage total.

Pour contrôler la sexualité des filles

En Afrique et au Moyen Orient, il arrive très souvent que des hommes refusent d’épouser des filles non-excisées, non seulement pour être en phase avec la tradition et la culture, mais également pour exercer un contrôle sur la sexualité des femmes.

L’excision est pratiquée dans 30 pays au monde. En général, Le continent le plus touché par le phénomène reste l’Afrique. Plus particulièrement, l’Égypte et l’Éthiopie sont les deux pays où la pratique est plus en vue même si elle existe au Moyen-Orient, en Asie et en Amérique Latine. Avec l’arrivée des migrants, l’Europe, l’Australie, les États-Unis et le Canada ne sont pas non plus épargnés.

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 07/02/2017 à 11h09, mis à jour le 07/02/2017 à 12h53