Sénégal: quand le Parifoot de la Lonase devient l’opium de la jeunesse

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Le 03/10/2017 à 15h48, mis à jour le 04/10/2017 à 11h49

Miser 300 francs CFA (0,45 euros) pour remporter une somme comprise entre 5.000 et 100 000 francs CFA: voilà une perspective qui fait rêver. Toutefois, les effets pervers du Parifoot sur une jeunesse en manque de repères sont dangereux et inquiétants. Reportage.

L'affaire des jeunes parieurs de Colobane qui réclamaient 800 millions à la Loterie nationale sénégalaise (Lonase) sous peine de saccager ses agences a défrayé la chronique sans dissuader les joueurs. Le Parifoot a décidément le vent en poupe. 

Ce jeu de hasard, qui connaît un franc succès auprès des jeunes Sénégalais, invite les parieurs à faire des pronostiques sur les scores des rencontres de football lors des championnats espagnol, anglais, français et aussi pour la ligue des champions de l’UEFA, les éliminatoires de la Coupe du monde, etc.

On a souvent parlé de la folie de certains retraités accros au Pari mutuel urbain (PMU). Aujourd'hui, un phénomène similaire s'empare des jeunes Sénégalais de 18 ans et plus avec le Parifoot.

Très vite, la simple curiosité à l'égard du Parifoot a fait place à l'engouement. La mise de départ (300 FCFA) est faible mais les sommes qu’il est possible de gagner (entre 5.000 et 100 000 francs CFA) sont alléchantes. De quoi devenir rapidement dépendant au jeu. D'autant que les rumeurs selon lesquelles telle ou telle forte somme a été ramassée ici ou là circulent rapidement. Nombreux sont les jeunes, qui une fois accrochés, cherchent par tous les moyens de l’argent pour parier sur les rencontres de football du weekend.

La jeunesse, une cible innocente

Pour mettre à «l’aise» ces parieurs, leur donner une sensation d’intimité et de discrétion, la Loterie nationale sénégalaise a aménagé des espaces de jeux à Dakar et dans toutes les villes du Sénégal. Ces lieux dans lesquels se retrouvent les jeunes pour parier ne désemplissent pas.

Une pancarte «Interdit aux moins de 18 ans» est censée en limiter l'accès. Toutefois, cette mention clairement visible n'est guère respectée. Personne ne contrôle l’âge des jeunes qui fréquentent ces salles. Et un petit tour dans ces lieux baptisés «Pari foot» permet de vérifier qu'ils sont fréquentés par des mineurs. Rencontré dans un Pari foot du centre-ville, Tapha, un lycéen âgé de 16 ans, révèle qu' «il y entre quand il veut tant qu’il a de l’argent pour parier». Selon lui, la Lonase ne s’intéresse pas à son âge, mais plutôt à la somme qu’il va dépenser».

Des voix s'insurgent 

Les effets pervers du Parifoot de la Lonase commencent à se faire sentir et des citoyens élèvent la voix pour les dénoncer. 

Selon Mamadou Sy Tounkara, un animateur de la chaîne de télévision 2STV, «dans les agences de la Lonase et au niveau des kiosques, l’engouement des jeunes ne faiblit guère. Or, ce phénomène pernicieux ne peut qu’engendrer les maux qui sont inhérents au jeu de hasard: dépendance, isolement, endettement. Notre population et notre jeunesse ne sont guère armées pour contrer les côtés pervers du pari sportif». L'animateur assimile le Parifoot, à «la drogue, aux doses de mauvais alcool vendues à 100 francs aux adolescents dans la clandestinité». Toujours selon l’homme de média, «le poison du pari sportif est un véritable coup de grâce pour la jeunesse sénégalaise et les gains engrangés par la Lonase ne valent pas qu'on détruise cette jeunesse, à savoir l’avenir du pays».

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 03/10/2017 à 15h48, mis à jour le 04/10/2017 à 11h49