Au Sénégal, on se souvient du discours de Serigne Sidy Mokhtar Mbacké quelques jours après avoir remplacé son cousin Mahammadou Lamine Bara à la tête de la communauté mouride, le 1er juillet 2010. «Je ne veux plus voir de division au sein de la communauté musulmane du Sénégal», avait dit le 7e Khalife général des mourides, dans la lignée de Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, fondateur du mouridisme.
Ces quelques mots en disaient long sur sa personnalité. Plus connu sous le nom de Serigne Cheikh Maty Leye, en référence à sa mère, Sokhna Maty Leye, il était très attaché à l’union de la communauté musulmane.
Cheikh Sidy, le bâtisseur
Conscient de la place qu’occupe la mosquée dans la religion musulmane, Serigne Sidy Mokhtar était, à l’image de Cheikh Abdoul Ahad Mbacké, le troisième khalife de Serigne Touba, un grand bâtisseur. Il a commencé par la grande mosquée de Touba.
Lire aussi : Sénégal. Rappel à Dieu du Khalife général des Mourides
Disposant de 5 minarets avant 2010, la grande mosquée de Touba compte à ce jour 7 minarets, doublant pratiquement sa capacité actuelle. Le budget initial de l'extension était de 5 milliards 460 millions de francs CFA, mais près du double de cette somme y a été investi.
Vidéo: Bala Gning, secrétaire administratif de la Mosquée Massalikoul Jinane
La construction de la grande mosquée «Massalikoul Djinane» de Dakar, la plus grande de l’Afrique de l’Ouest a evec une superficie intérieure de 10.000m2 et une esplanade de 50.000 m2, est aussi à mettre au compte de Serigne Sidy Mokhtar Mbacké. Pour réaliser cet ouvrage auquel ont participé l’ensemble de la communauté mouride et des musulmans du Sénégal, le défunt Khalife n’a pas lésiné sur les moyens.
En 2014, le coût global de cette mosquée était estimé à 13 milliards de francs Cfa (20 millions d’euros) et l’ensemble du complexe à 30 milliards de francs Cfa (53 millions d’euros). Comme pour tous les chantiers des mourides, l'enveloppe réellement décaissée a dépassé les prévisions.
Pour avoir une idée de la grandeur de cet ensemble architectural, il faut considérer ses cinq minarets réalisés par l’entreprise suisse Royam, spécialisée dans les constructions verticales avec coffrage glissant.
Lire aussi : Vidéo. Mauritanie: tristesse et dévotion au sein de la communauté Mouride de Nouakchott
Pour la décoration, la communauté mouride a sollicité des artisans marocains, turcs et italiens. Quant au revêtement en marbre, à la couverture de la coupole en feuilles d’or et aux lustres en cristal, ils sont assurés par des spécialistes marocains de l'art islamo-africain. Les dignitaires mourides ont même sollicité l’expertise du célèbre architecte allemand, Mahmoud Boda Rasch, réalisateur de la grande horloge de la Mecque.
Il faut également ajouter à son actif la construction toujours en cours de l'Université Khadim Rassoul de Touba (Ukrat). Pour cet immense projet, les talibés mourides ont été appelés à contribuer à hauteur de 1.140 francs CFA (deux euros) par disciple.
Evidemment, dans une communauté où la contribution financière est érigée en valeur suprême, les dons ont afflué de toutes parts, dépassant largement le minimum symbolique. Initialement, la construction sur 30 hectares nécessitera 15 millions de dollars soit 9 milliards de francs CFA.
Mais, à côté du bâtisseur, il y a surtout le grand ascète attaché aux principes soufis basés sur la bienfaisance, "al ihsan" en arabe. Discret, avant son avènement à la tête de la communauté mouride, Serigne Sidy Mokhtar Mbacké était peu connu du grand public. L’illustre guide religieux est venu au monde à Mbacké Kadior (département de Kébémer, région de Louga), le 15 ramadan 1343 de l'Hégire, correspondant au 9 avril 1925.
Un grand soufi
Serigne Sidy Mokhtar Mbacké était adepte des retraites spirituelles. Une pratique héritée de son père, Serigne Mamadou Lamine Bara Mbacké, illustre fils de Serigne Touba, très respecté de ses frères et de toute la communauté mouride.
Lire aussi : Sénégal: Magal 2016, environ 3 millions de pèlerins convergent vers Touba
Le saint homme était connu pour son attachement aux recommandations de l’Islam, son amour de l’enseignement coranique et des fondements du mouridisme. Il était très rare de s’introduire dans sa demeure de Gouye Mbinde, à un jet de pierre de la Grande Mosquée de Touba, sans le voir avec un exemplaire du livre saint entre les mains.
Toujours habillé de boubous blancs avec sa silhouette frèle, Serigne Cheikh Maty Lèye était aussi très attaché à la formation des jeunes talibés (disciples). En effet, le défunt Khalife avait installé des daaras (école coraniques) dans les différents villages qu’il avait fondés.
Un homme rompu à la tâche et au grand cœur
A l’instar de ses illustres prédécesseurs, très attachés au culte du travail, il était aussi un grand producteur agricole. Le défunt Khalife avait aménagé plusieurs hectares de terres destinées à l’agriculture, mais dont une partie revenait aux populations des villages qu'il a fondés.
Les gains des récoltes étaient destinés à couvrir les frais de fonctionnement des daaras (écoles coraniques) dans lesquelles étaient formés des milliers de jeunes mourides. Son aide aux démunis témoignait également de sa générosité. Durant ses sept années d'exercice, Serigne Sidy Mokhtar Mbacké a permis à des centaines de musulmans d’accomplir le pèlerinage à la Mecque, s’occupant de leurs billets d’avion, de leur hébergement et de leur nourriture durant le séjour.
Pour toutes ces valeurs, Serigne Sidy Mokhtar Mbacké laisse la communauté mouride orpheline.
Néanmoins, Serigne Mountakha Bassirou Mbacké, le 8e Khalife général des mourides, saura les consoler. Ce fils de Serigne Bassirou Mbacké et petit-fils de Cheikh Ahmadou Mbacké, est aussi réputé pour son amour de Dieu et de son Prophète, et pour son dévouement à la perpétuation de l’œuvre du fondateur du mouridisme.