Le laxisme des autorités publiques face aux abus du concessionnaire Eiffage, en charge de l'exploitation des tronçons d'autoroute Dakar-Diamniadio et Diamniadio-Aibd-Diass, commence à agacer l'écrasante majorité des Sénégalais.
La mort accidentelle de Papis, un talentueux musicien du groupe Gélongal, survenue le 5 mai est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. A l’initiative de l’ancien député Cheikh Oumar Sy, un collectif citoyen est mis en place. Une pétition lancée lundi 7 mai 2018 avait déjà recueilli 25.000 signatures, mardi à 9h (en temps universel coordonné).
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Ledit collectif envisage de saisir le procureur de la République pour dénoncer les abus de la société Eiffage sur sa gestion de l’autoroute.
«En l'absence de réaction des autorités publiques, nous citoyens (y compris ceux et celles de la diaspora) devons mener le combat pour notre dignité et pour le respect de nos droits étant donné que nous avons contribué à hauteur de 75% de nos impôts pour la réalisation de cet ouvrage privé», explique Cheikh Oumar Sy. Il annonce le ralliement de Me Assane Ndiaye à cette cause et invite les autres juristes, notamment maître Bamba Cissé, un autre ténor du barreau, à les soutenir dans ce combat contre la multinationale.
Il est à rappeler que, dans le cahier de charges du projet de l’autoroute Dakar-Diamniadio, figuraient l’éclairage et la mise en place de barrières de protection pour mieux assurer la sécurité des automobilistes. Mais jusqu'à présent, ceux qui empruntent cet axe durant la nuit sont obligés de circuler dans l’obscurité. Et le décès de Papis du groupe Gélongal, qui a accidentellement heurté une vache sur l’autoroute à péage, n’est pas un cas isolé. D’autres ont perdu la vie dans des circonstances similaires. Le jeune motard Gora Thiam avait, lui aussi, heurté une vache sur cet axe. Et cet accident lui a été tout aussi fatal.
Du côté des responsables de la société Eiffage, on tente de rassurer les automobilistes. «C’est l'accident de trop», a reconnu Didier Payerne, directeur d’exploitation du groupe Eiffage au Sénégal. Dans une intervention radiophonique, il a affirmé qu'Eiffage faisait beaucoup d'efforts pour sécuriser l'autoroute, mais "la perfection n'étant pas de ce monde, nous ne sommes pas à l'abri d'accidents". L'opinion publique sénégalaise trouve cette déclaration très malvenue dans ce contexte de deuil.
De plus, malgré la responsabilité morale d'Eiffage, la direction de l'autoroute a fait payer à la famille l'évacuation du véhicule accidenté en lui présentant une facture globale de 56.000 francs CFA, soit près de 90 euros. Un autre raté qui renforce le sentiment de rejet de l'exploitant de cette voie par les usagers qui estimaient déjà que les tarifs étaient exorbitants.
Dans la foulée, un sentiment anti-français est en train de naître porté aussi bien par des intellectuels, des politiques que par les réseaux sociaux.