Sénégal: Un étudiant incarcéré depuis 2015 pour un post sur Facebook

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Le 13/11/2018 à 10h14, mis à jour le 13/11/2018 à 15h43

Ouseynou Diop, étudiant, est détenu depuis près de 4 ans pour avoir écrit un post contre Charlie Hebdo. Il a entamé une grève de la faim et réclame son jugement. Un Collectif constitué de membres de la société civile, de sa famille, de ses amis et de ses camarades demande sa libération.

Le jeune étudiant sénégalais Ousseynou Diop, âgé de 19 ans au moment des faits, avait été arrêté après l'attentat contre l'hebdomadaire Charlie Hebdo à Paris. Son crime? Avoir écrit à ce sujet un post sur Facebook. Détenu depuis 2015, il vient de cesser de se nourrir.

Mis aux oubliettes par les autorités judiciaires du pays depuis son incarcération, il y a 3 ans et demi, il réclame aujourd'hui son jugement ou sa libération.

Pour rappel, sous le profil de Ousseynou Weuz, habitant prétendument aux Etats-Unis, il avait alors écrit : «Je suis content de ces attentats parce que vous ne devrez pas oublier ce que vous avait fait avec l’œuvre de Charlie Hebdo en caricaturant le visage de notre cher prophète Mohamed (Psl) et vous êtes en train de payer la fortune de notre cher confrère musulman Coulibaly (terroriste qui avait été tué dans l’assaut acontre l’Hyper Casher, ndlr). Et je vous dis et je vous préviens que l’autre attentat sera lors du match Nice-Lyon". Quelques temps plus tard, il changea son profil en "Ousseynou Al-Tijani". 

Après avoir été dénoncé par les services secrets français, Ousseynou Diop a été arrêté dans les jours qui ont suivi par les agents de la Direction des investigations criminelles (DIC) sénégalaise.

l a été inculpé pour "apologie du terrorisme", entre autres chefs d'accusation. Sauf que depuis cette arrestation intervenue en juillet 2015, il attend que la date de son procès soit fixée. C'est l'instruction qui aurait tardé, selon des sources judiciaires.

Mais ses proches interrogent sur cette lenteur qui a détruit la vie d'un étudiant décrit comme calme et intelligent, mais dont la vie s'est trouvée bouleversée.

Le casier de Ousseynou Diop est vierge et il a régulièrement fait partie des meilleures élèves tout au long de son cursus. Inscrit à l'Université de Dakar, il étudiait les mathématiques et la physique. Lors des derniers examens qu'il a eu à passer, il était classé parmi les 15 meilleurs élèves, toujours selon le collectif de soutien, qui affirme que cette publication sur Facebook n'est qu'une erreur de jeunesse. 

Le 18 novembre prochain à Thiès, le collectif de soutien mis en place par ses amis et ses proches, va organiser une marche pour alerter l’opinion sur cette dérive judiciaire.

«Nous tenons l’opinion nationale et internationale à témoin de tout ce qui pourrait lui arriver», disent les membres de ce collectif qui affirme «solliciter le soutien de tous les citoyens épris de justice pour la réussite de cette manifestation».

Ousseynou Diop venait juste d’avoir son baccalauréat au moment où il a été arrêté par les forces de l’ordre. Son seul tort est d’avoir proféré des menaces et de s'être réjoui des attentats contre Charlie Hebdo sur le réseau social Facebook. 

Les nombreux appels et de tentatives de ses proches pour le faire libérer sont, jusque-là, restés lettre morte. Le 12 septembre dernier, sa mère avait alerté la presse pour demander la libération de son fils.

Les larmes aux yeux, Aminata Sall avait soutenu que «Ousseynou Diop n’avait jamais été mêlé dans une quelconque affaire liée au terrorisme». 

Certains responsables politiques de la ville de Thiès avaient même directement sollicité la clémence du président Macky Sall pour qu’il soit libéré, mais ce dernier est resté sourd à cette demande.

L’espoir est tout de même permis car des membres de la société civile et des organismes de défense de Droits de l’homme se sont associés à cette mobilisation. C’est le cas du Directeur régional d’Amnesty International, Alioune Tine.

«C’est incroyable, cette affaire. Je vais demander à Pape Séne, président du Comité Sénégalais des droits de l'Homme et à Moustapha Ka, directeur des droits humains (rattaché au ministère sénégalais de la Justice, ndlr), de se pencher sur le cas de ce jeune homme», a-t-il récemment posté sur Twitter.

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 13/11/2018 à 10h14, mis à jour le 13/11/2018 à 15h43