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Jusqu’ici, au Sénégal, le statut de guide religieux était réservé aux hommes, mais Aïda Diallo, 38 ans, veut bouleverser cette donne et s’imposer comme Khalife des Thiantacones (littéralement, ceux qui remercient Allah), les ex-disciples de son défunt mari. Des milliers de disciples la suivraient. Sa surmédiatisation, lors de la célébration du grand Magal de Touba, de la communauté mouride, a été à l’origine d’une vive polémique.
Des images d’elle, beaucoup de vidéos et un nombre important de photos, ont circulé dans les médias et les réseaux sociaux. Ici, elle baptise un enfant, service religieux qui est exclusivement réservé aux hommes. Là, elle reçoit l’allégeance d’hommes agenouillés devant elle. Et là encore, elle esquisse un pas de «doukat», cette danse entrant dans le registre des Thiantacones.
Dans une vidéo ayant beaucoup circulé dans les réseaux sociaux, peu de temps après la disparition ce Cheikh Bethio Thioune, ce dernier affirme que "Aïda Diallo et moi ne faisons qu’une seule et même personne". Les circonstances de la vidéo n'avaient jamais été clarifiées.
Néanmoins, pour certains Thiantacones, cela voulait dire que c’est elle qui avait été désignée comme héritière en tant que guide, et non le fils aîné de Bethio Thioune.
Toujours est-il qu’il y a une lutte de succession entre Aïda Diallo et son beau fils Serigne Saliou Thioune.
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Le Khalife général des Mourides, Serigne Mountaqa Mbacké a pourtant tranché en demandant à son porte-parole, Serigne Bassirou Abdoul Khadr d’installer le fils aîné du défunt, mais certains Thiantacones ont renouvelé leur serment d’allégeance en faveur de Aïda Diallo.
Aïda Diallo est donc au centre de l’actualité depuis plus d’une semaine. En effet, beaucoup se sont offusqués de la voir sortir de l’orthodoxie de la confrérie, voire de la charia. En effet, le Khalife général avait clairement interdit toute ostentation, en particulier chez les femmes qui devaient oublier les perruques, les maquillages trop visibles et l’éclaircissement de leur peau. Malheureusement, Aïda Diallo a préféré oublier toutes ces recommandations.
Les nombreuses plaintes dans les médias et les réseaux sociaux ont fini par tomber dans l’oreille de Serigne Mountaqa Bassirou Mbacké qui fit convoquer la concernée dimanche, tard dans la soirée, pour lui rappeler les principes islamiques tirés du Coran et de Sunnah du Prophète Mohammed, qui régissent la confrérie.
Cependant, de toute évidence, Aïda Diallo intrigue. Elle n’était que la cinquième femme de Cheikh Bethio Thioune, qui en avait beaucoup d’autres au moment de sa disparition. Certains parlent de six ou sept épouses. Mais, elle est la seule à oser revendiquer ce statut d’héritière sur le plan spirituel.
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Dans une interview accordée en 2012 au quotidien sénégalais l’Observateur, elle affirme avoir prêté allégeance à Serigne Bethio Thioune en 1993, alors qu’elle n’avait que 12 ans. Elle ne l’épousera qu’en 2003, soit une dizaine d’années plus tard. Dans une déclaration récente, elle affirme avoir été la servante de la première femme du guide.
Mais son ascension a été fulgurante, puisqu’elle avait été désignée "Diawrigne universelle" par feu son mari. Le Diawrigne étant un responsable à la tête d’un regroupement de disciples, flanquée de l'adjectif "universelle", elle pouvait se prévaloir d’être au-dessus de tous les autres.
Du coup, c’est par elle que transitaient les décisions importantes. Elle centralisait également l’impressionnante collecte des fonds qui fait la particularité des Thiantacones.
De toutes les femmes du feu guide, elle est la moins instruite. Ses coépouses ont toutes obtenu des diplômes universitaires, alors qu’elle a arrêté ses études au collège. Il n’empêche qu’elle semble avoir été la plus proche de Bethio Thioune, dans les dernières années de sa vie.
Bethio Thioune son défunt époux comme mentionné plus haut était un guide controversé qui doit sa renommée à l'affection que lui portait feu Serigne Saliou Mbacké, dernier fils de Serigne Touba, le fondateur du mouridisme, à avoir occupait la fonction de Khalife, avant de passer le flambeau à la génération des "Petits-fils" du fondateur du mouridisme.
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Enseignant de formation et administrateur civil plus tard, Bethio Thioune a été élevé au rang de Cheikh par Serigne Saliou en 1989.
La rencontre entre les deux hommes remonte à 1946, Bethio Thioune qui n’avait alors que 7 ans s’est pris d’attachement pour le fils de Serigne Touba qu’il n’a plus jamais quitté qu'à sa disparition en 2007.
Une relation de 61 ans au cours de laquelle les deux hommes se sont mutuellement montrés affection, générosité et respect.
Le cheikh qui se vantait d’avoir des millions de disciples sous ses ordres, n’était pas ce qu’on pouvait appeler un exemple d’érudit.
Maitrisant à peine quelques versets du saint coran, il se contentait, disait-il, d’adorer Serigne Saliou. Cet homme allait pourtant connaître une fin bien triste. Accusé de complicité de meurtre en 2012, il fut emprisonné puis condamné à 10 ans de travaux forcés le 06 mai 2019. Déjà malade et affaibli, il rendit l'âme le jour suivant.
Après la sortie du Khalife général des mourides beaucoup estiment que le phénomène Aïda Diallo ne sera qu'un éphémère feu de paille.