La ligne défense de Samba Sékou Dia Sow est étonnante, à la limite dangereuse. Pris en flagrant délit le 19 novembre 2016, l’homme qui venait d’égorger Fatoumata Makhtar Ndiaye, la vice-présidente du Conseil économique, social et environnemental du Sénégal (CESE) n’a cessé lors de son procès de citer des noms de politiciens influents de la mouvance présidentielle qu’il accuse d’être les commanditaires de son crime présenté comme crapuleux, mais qui a beaucoup de zones d'ombre.
Répondant aux questions du procureur, l'accusé déclare que "tout cela est un complot politique" dont il n'est que le bouc émissaire, soutenant n’avoir jamais eu l'intention "de mettre fin à la vie de sa patronne".
Sauf qu’il est confondu par le témoignage d’Adama Bâ, fils de la victime qui a d’ailleurs échappé à la mort en essayé d’intervenir. Mais, ce même Adama Bâ avait pourtant écrit une lettre ouverte au président Macky Sall, l’appelant à démasquer les responsables de l’Alliance pour la république impliquée dans le meurtre de sa mère.
Pour sa part, Samba Sow, l’accusé, affirme que la veille du jour du meurtre, sa tante paternelle Fatou Sow lui a présenté une personne qu'il décrit comme un "marabout". Ce dernier lui a donné du lait à boire et il a été comme hypnotisé. Dès lors, il va obéir au diogt et à l'œil aux ordres de ce mystérieux individu que les enquêteurs n'ont pas réussi à trouver, même si des témoins ont affirmé avoir aperçu un individu correspondant à sa description sur les lieux du meurtre.
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Car faut-il le rappeler, Samba Sow était le chauffeur de Fatoumata Makhar Ndiaye. Selon les résultats de l'enquête, l'unique accusé dans cette affaire aurait tué la repsonsable à Pikine des femmes du parti présidentiel pour lui soutirer la somme de 300.000 Fcfa, montant dont il aurait besoin pour sa dot de mariage. Evidemment, il a nié les faits et affirmé pour sa défense qu'il déposait ou retirait des sommes beaucoup plus importantes pour le compte de sa patronne et qu'il aurait pu s'en emparer sans avoir besoin de commettre un meurtre.
Ce mardi 7 janvier, devant la barre du tribunal, il n'a pas hésité à balancer de nouveaux noms. "Ce sont les responsables politiques de l’APR Awa Niang (questeur de l’Assemblée nationale, ndlr), Abdoulaye Timbo (maire de Pikine et oncle de Macky Sall), Seynabou Bèye, Maïmouna Baldé y compris ma tante (Fatou Sow)" qui sont les vrais commanditaires, répète l'accusé devant la barre.
Jusque-là, le doute était permis, mais quand il a cité Seydina Fall Bougazelli, actuellement en prison pour trafic de faux billets, l’assistance a commencé à se douter que le suspect cherchait à brouiller les pistes.
En tout cas, cette accusation de trop a énervé le procureur. "Vous ne cessez de citer des noms de politiques. Maintenant que fait Bougazelli, un militant de Guédiawaye ici ? "Dites-nous comment il est impliqué dans ce dossier ?"
Samba Sow de rétorquer sèchement : "allez l'interroger, vous verrez. Je ne m'occupe pas de ça".
A la fin de la séance qui a duré plusieurs heures, la prison a perpétuité a été requise par le procureur de la république. Cet homme qui déclare avoir bu le sang de la victime, dit avoir agi sous l’ordre d’un marabout qui est le vrai meurtrier de Fatoumata Matar Ndiaye. Tant et tant de contradictions qui fragilise sa version des faits, même si dans ce dossier il existe beaucoup de zones d'ombre.
Par exemple, une autre de ses tantes, Ndeye Fatou Ngoné Sarr, a affirmé devant la barre qu'on a essayé d'empoisonner son neveu à plusieurs reprises en lui amenant de la nourriture en prison.
"Il y a des non-dits dans le dossier. Monsieur le juge, je vous demande de mener des enquêtes approfondies, pour arrêter les véritables coupables quels que soient les postes de responsabilités qu’ils occupent dans ce pays. Parce que nul n’est au-dessus de la loi. Fatoumata Mactar Ndiaye ne mérite pas de mourir de cette sorte", a-t-elle dit.
Et d'ajouter: "le régisseur m’a informé que la personne qui venait en prison pour voir Samba Sow et lui amener de la nourriture est un policier travaillant au commissariat central de Dakar sans autres précisions".
Devant ces graves révélations, le président de la Chambre criminelle lui a demandé de s'en tenir uniquement au fait dont elle a été témoin.