Massacre de 2009 en Guinée: la défense rejette la confrontation entre les accusés, tournée en «interrogatoire de tous les côtés»

Une séance du procès des massacres du 28 septembre 2009, à Conakry.

Le 17/04/2024 à 18h54

VidéoLe procès des massacres du 28 septembre 2009 est passé à l’étape des confrontations entre les accusés. Le capitaine Moussa Dadis Camara, au pouvoir au moment des faits, le commandant Aboubacar Sidiki Diakité et Marcel Guilavogui ont été appelés à la barre au même moment provoquant l’ire de leurs avocats.

Cette première confrontation entre les accusés divise les avocats engagés dans le cadre de ce procès. En effet, Me Jean Baptiste Haba, avocat de la défense, est formel. Cette arrivée à la barre des trois accusés, Dadis camara, Toumba Diakité et Michel Lamah, ne respecte nullement les conditions d’une confrontation.

«Je voudrais que vous le sachiez. Par définition, lorsqu’on parle d’une confrontation, on oppose d’abord des parties qui sont en procès. Les déclarations qui ont été faites émanent des personnes qui ont des positions totalement contradictoires. Vous savez qu’il y a eu des parties civiles, des accusés, vous savez également qu’il y a eu des témoins qui ont parlé. On aurait dû commencer par des personnes qui accusent contre ceux-là qu’on accuse, ce qui n’a pas été fait, c’est le premier élément» dit-il.

Et ce n’est pas le seul problème relevé par Me Haba qui estime que les points de confrontation ne sont pas clairement identifiés. «Le deuxième élément c’est que lorsqu’on vous parle de confrontation, les points de confrontation doivent être donnés à l’audience et c’est uniquement sur ces points de confrontation que les personnes qui sont appelées à la barre doivent discuter. Mais si vous avez remarqué, nous avons eu l’impression d’un interrogatoire de tous les côtés, que ce soit du côté du parquet, de la partie civile et même du côté du tribunal. Nous avons eu l’impression que le tribunal n’a compris cela que lorsque la partie civile a eu la parole. C’est pourquoi justement la défense, sachant comment se passent les procédures, n’a pas voulu cautionner cela, en tous cas relativement aux trois qui sont passés».

Mais apparemment tous les avocats ne sont pas mécontents de cette première journée de confrontation. C’est le cas notamment de Me Alpha Amadou DS Bah, avocat de la partie civile. «Je pense que le tribunal est suffisamment outillé pour comprendre si ces accusés étaient dans de bonnes dispositions de dire la vérité ou s’ils ont cherché à se protéger. La confrontation ce n’est pas seulement opposer les accusés, mais c’est de voir dans les contradictions si les propos qui avaient été tenus vont être réitérés ou pas. C’est le but du jeu. Quoiqu’il en soit, le plus important c’est qu’on a compris la moralité de chacun d’entre eux et le tribunal sévira le moment venu

Selon l’ONU, 28 septembre 2009 «les forces de sécurité et militaires guinéennes ont attaqué un rassemblement politique pacifique au stade de Conakry, qui a fait au moins 156 personnes disparues ou tuées - dont beaucoup ont été torturées à mort et leurs cadavres enterrés dans des fosses communes - et au moins 109 filles et femmes victimes de violences sexuelles, y compris les mutilations et l’esclavage sexuels».

Les Nations unies indiquent que onze personnes ont été inculpées en rapport avec le massacre. La Commission d’enquête de l’ONU en 2009 a conclu qu’il existait une «forte présomption que des crimes contre l’humanité aient été commis» et qu’il « existe des motifs raisonnables de soupçonner une responsabilité pénale individuelle».

Après plusieurs années d’impunité, les victimes et leurs familles ont dû attendre le 28 septembre 2022 pour que l’ancien dictateur Moussa Dadis Camara, qui s’était autoproclamé chef de l’Etat, et ses 10 autres coaccusés soient enfin présentés devant une cours criminelle en Guinée.

Par Mamadou Mouctar Souaré (Conakry, correspondance)
Le 17/04/2024 à 18h54