Procès du massacre de 2009 en Guinée: la défense irritée par la présence de la CPI

Procès du massacre de 2009 en Guinée

Le 06/04/2024 à 16h12

VidéoRien ne va plus entre les avocats de la défense, ceux de la partie civile et le ministère public. A l’origine de ce désaccord, la requalification du massacre du 28 septembre en crime contre l’humanité, rejetée par la défense, et la présence du procureur adjoint de la Cour pénale internationale.

Les avocats qui défendent les accusés dans le dossier du massacre du 28 septembre 2009 menacent de ne plus se présenter au tribunal avec leurs clients et l’ont l’ont fait savoir lors d’un point de presse organisé dans la soirée du 4 avril 2024.

Ils disent ne pas comprendre le sens de la demande de requalification des faits en crimes contre l’humanité et l’irruption soudaine de la Cour pénale internationale (CPI) dans ce procès, confie Maître Antoine Pepe lamah. «Je rappelle qu’à l’audience du 20 mars 2024, le tribunal criminel de Dixinn en charge du dossier des événements du 28 septembre avait, après trois jours de débats, sur la demande de requalification sollicitée par le ministère public, l’affaire a été renvoyée et que les débats de devaient reprendre le 25 mars 2024. Le lendemain, tous les avocats de la défense ont décidé d’attaquer cette décision devant la cour d’appel».

Maître Antoine Pepe fait allusion à la délégation de la CPI conduite par Mame Mandiaye Niang, procureur adjoint de la CPI, qui séjourne à Conakry depuis le 27 mars le cadre du suivi du procès des événements de 2009.

Les massacres du 28 septembre 2009 font suite à une manifestation de partisans de l’opposition guinéenne à Conakry, contre les projets du chef de la junte militaire au pouvoir, dirigée alors par Moussa Dadis Camara, de se présenter à l’élection présidentielle.

Lors de cet évènement douloureux, au moins 156 personnes ont été tuées et des centaines d’autres blessées et au moins 109 femmes ont été violées ce jour, selon le rapport d’une commission d’enquête internationale mandatée par l’ONU.

La présence des membres de la CPI intervient alors que le débat sur la requalification des faits en crime contre l’humanité, divise les avocats des différentes parties.

Pour rappel, au cours de l’audience du lundi 25 mars 2024, le président du Tribunal a ordonné le sursis à statuer en attendant l’examen de la requête de la défense par la Cour d’appel et a renvoyé le procès sine die.

Dans cette affaire, le dernier développement qui a fâché les avocats de la défense, c’est la demande de sursis à statuer mais qui a été rejetée par la cour d’appel. Ainsi les avocats de la défense promettent, que si rien n’est fait, ils vont réagir, fait savoir Me Lanciné Sylla. «Nous pouvons boycotter l’audience, organiser un point de presse comme celui d’aujourd’hui, quitter carrément le dossier ce qui n’est pas encore à l’ordre du jour. Mais on a l’obligation d’alerter l’opinion nationale et internationale sur ces cas de violation des droits de la défense. La question de la requalification a été jointe au fond du dossier, ce qui veut dire que tous les débats vont se dérouler sans que les accusés ne sachent si le tribunal se prononcera à fin de ce procès».

Après plusieurs années d’impunité, les victimes et leurs familles ont dû attendre le 28 septembre 2022 pour que l’ancien dictateur Moussa Dadis Camara, qui s’était autoproclamé chef de l’Etat, et ses 10 autres coaccusés soient enfin présentés devant une cours criminelle en Guinée.

Aujourd’hui, face a la presse, les avocats de Moussa Dadis Camara et des autres accusés ont exprimé plusieurs préoccupations. «Pourquoi le procureur de la CPI s’est-il précipité à Conakry le lendemain de la décision de sursis à statuer. Pourquoi c’est lui qui nous informe à travers la presse que notre recours a été rejeté. Ce sont donc des situations qui amènent la défense à s’inquiéter par rapport au respect des droits de nos clients».

Lors de sa rencontre avec le Premier Ministre, Amadou Oury Bah, et le ministre de la Justice et des droits de l’homme, Yaya Kaïraba Kaba, le procureur adjoint Niang a exprimé sa satisfaction sur le procès en cours et l’engagement de la Guinée à traduire les auteurs présumés en justice. «La capacité et la volonté de la Guinée de faire en sorte que les auteurs de ces crimes répondent de leurs actes sont palpables. Malgré les défis existants- qui ne sont pas rares dans la plupart des procédures pénales dans différents pays- cet engagement représente un exemple significatif de complémentarité dans la pratique avec le procès qui est suivi dans le monde entier» a écrit la CPI dans son rapport de la visite de son procureur adjoint Mame Mandiaye Niang e Guinée.

Par Mamadou Mouctar Souaré (Conakry, correspondance)
Le 06/04/2024 à 16h12