Après avoir longtemps omis de regarder vers le sud, les entrepreneurs tunisiens considèrent désormais l’Afrique subsaharienne comme une terre d'avenir. L’adhésion prochaine (en octobre 2017) de la Tunisie au Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA) en est une illustration. Elle témoigne de la volonté du pays du jasmin de se positionner sur l’échiquier économique africain.
Il faut dire que pour nombre d’opérateurs tunisiens, le continent est devenu attrayant grâce à sa démographie, l'augmentation de sa classe moyenne, sa dynamique économique avec un taux moyen de croissance de 5% (hors 2016), une urbanisation galopante, des déficits en infrastructures (routes, ports, chemin de fer, hôpitaux, universités, etc.) à combler, etc. Bref, l’Afrique regorge d’opportunités d’investissement susceptibles d'intéresser les entreprises tunisiennes, notamment dans les domaines où elles font preuve d’un avantage compétitif. Il s’agit notamment des secteurs de l’agroalimentaire, de la santé, des services de l’information, et de la formation.
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C’est ainsi qu’au cours de ces derniers mois, les opérateurs tunisiens ont multiplié les voyages d’affaires sur le continent ciblant particulièrement les pays dynamiques de l’Afrique de l’Ouest et du centre: Côte d’Ivoire et Cameroun en tête.
De même, de plus en plus d’entreprises tunisiennes optent pour des implantations sur le continent africain. Parmi celles qui ont fait le pari de l’Afrique il y a, entre autres, Tunisie Telecom, Service médical international (SMEDI), Souroubat international (BTP), Wevioo (NTIC), ST2I (ingénierie), Paulina (agro-industrie, métallurgie, grande distribution, etc.) et OneTech Tunisie.
D’autres devraient suivre le mouvement. Plusieurs entreprises tunisiennes ont dernièrement manifesté leur intérêt à s’implanter sur le continent. C’est notamment le cas de Lilas, une entreprise spécialisée dans la production d'articles hygiéniques –produits d’hygiène pour femme et bébés. Déjà implantée dans les pays du Maghreb, elle regarde désormais vers l’Afrique subsaharienne où elle exporte déjà ses produits dans certains pays (Côte d’Ivoire, Mauritanie, Sénégal, etc.). Selon le PDG de l’entreprise, Jalila Mezni, l’entreprise va inaugurer son unité de production en Côte d’Ivoire en mai prochain et prépare son implantation au Sénégal. L’entreprise cible aussi les pays d’Afrique de l’Est, notamment l’Ethiopie et le Kenya.
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Dans le même sillage, le groupe Loukil qui vient d’accueillir l’enseigne égyptienne Unionaire et compte en faire une plateforme pour l’Afrique subsaharienne. La filiale tunisienne produira du matériel électroménager (climatiseurs, machines à laver, téléviseurs, chauffe-eau, cuisinières, fer à repasser, ventilateurs, etc.). Le groupe compte sur les opportunités d’affaires que représenteront l’urbanisation galopante et l'augmentation de la classe moyenne africaine dans les années à venir.
Dans le sillage de ces entreprises, plusieurs autres opérateurs se positionnent déjà, espérant tirer profit de l’adhésion de la Tunisie au CMESA, un marché de 475 millions de consommateurs.
Cette politique entre dans le cadre d’une stratégie globale initiée au plus haut niveau politique et visant à replacer la Tunisie dans l’échiquier économique continental.
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Seulement, les entreprises tunisiennes doivent savoir qu’elles ne sont pas les seules à s’intéresser au continent. La concurrence est de plus en plus rude. Outre les entreprises françaises historiquement bien implantées dans certains pays, notamment francophones, les entreprises marocaines se sont bien positionnées depuis plus d’une décennie sur le continent avec un soutien au plus haut niveau de l’Etat grâce aux multiples visites d'amitié et de travail du roi Mohammed VI sur le continent. Les entreprises turques et chinoises aussi sont, depuis quelques années, sur les rangs, bénéficiant de soutiens financiers exceptionnels.
Dans cet univers, les entreprises tunisiennes partent certes avec des atouts indéniables, mais aussi avec une kyrielle de handicaps. Le premier est la quasi-absence de banques tunisiennes sur le marché africain. Une situation qui décourage de nombreuses entreprises tunisiennes qui partent sans un soutien financier derrière elles. C’est au contraire l’un des premiers points auxquels les Marocains se sont attachés pour faciliter l’expansion de leurs entreprises. Aujourd’hui, les trois premières banques du Maroc –Attijariwafa bank, Banque populaire et BMCE Bank of Africa- sont implantées dans 25 pays africains. D’ailleurs, certaines missions d’hommes d’affaires tunisiens ont été organisées grâce à Attijari Tunisie, filiale du groupe Attijariwafa bank qui dispose d’une bonne assise sur le continent.
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Un autre handicap de taille réside dans l’absence de liaison aérienne directe entre la Tunisie et de nombreux pays africains. Les hommes d’affaires obligés de passer par Paris, Casablanca, Rome, Istanbul, Le Caire ou Alger pour rejoindre l’Afrique subsaharienne. La compagnie tunisienne dessert moins d’une dizaine de destinations sur le continent contre plus de 30 pour la Royal Air Maroc (RAM).
Enfin les opérateurs économiques tunisiens dénoncent le fait que les hommes politiques de leur pays soient toujours tournés vers l’Europe sans accorder la moindre importance à l’Afrique subsaharienne. A titre d’illustration, ils soulignent le faible nombre de représentations diplomatiques tunisiennes en Afrique subsaharienne, ce qui n’encourage pas la diplomatie économique.
Conséquence, les échanges commerciaux entre la Tunisie et l’Afrique subsaharienne représentent à peine 2,4% du commerce extérieur total tunisien soit 655,12 millions d’euros.