C'est le jour de la célébration du 62e anniversaire de la proclamation de la République tunisenne, dont il avait été l'un des artisans aux côtés de Habib Bourguiba, que le défunt Béji Caïd Essebsi a choisi de dire adieu à ses compatriotes. Il a été présent à tous les grands moments de la Tunisie moderne, dont il a contribué à écrire certaines pages de l'histoire contemporaine.
Chef d'Etat au monde en exercice le plus âgé, avec ses 92 ans, après la reine Elizabeth II d'Angleterre, cet avocat de formation est né dans une famille bourgeoise tunisoise.
Béji Caïd Essebsi est revenu sur le devant de la scène à la faveur de la révolution du Jasmin, née durant les printemps arabes de 2011, qui a avait entraîné la chute de Zine El Abidine Ben Ali dès février 2011, point de départ de ces révoltes de pays arabes.
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Doté "d'une intelligence politique extrême et d'un pragmatisme extraordinaire", il n'a toutefois "pas moralisé la vie politique alors que c'était pourtant nécessaire", déclare à l'AFP un responsable ayant collaboré à plusieurs reprises avec lui.
Ministre de l'Intérieur dès le milieu des années soixante, puis de la Défense et des Affaires étrangères sous le père de l'indépendance Habib Bourguiba, celui qui était aussi connu sous ses initiales, BCE, a ensuite été président du Parlement au début de l'ère Ben Ali (1990-1991), avant de s'effacer durant l'essentiel des années 90 et 2000.
Durant les trois décennies de la dictature de Ben Ali, Béji Caïd Caïd Essebsi ne s'est toutefois jamais opposé à l'ex-président tunisien.
Il a été accusé, en avril dernier, par l'instance chargée de rendre justice aux victimes des différents pouvoirs politiques, d'avoir constaté personnellement des actes de tortures et autres violations commises sous Bourguiba, mais de n'en avoir rien dit.
En raison de sa longue expérience de l'Etat, et malgré son âge avancé, c'est lui qui est devenu Premier ministre provisoire en février 2011, en plein tumulte révolutionnaire.
A son crédit, il a mené le pays vers les premières élections libres de son histoire, en octobre 2011, remportées par le parti islamiste Ennahda.
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Il participe l'année suivante à la création du parti Nidaa Tounès, assemblage hétéroclite d'hommes d'affaires, d'universitaires, de syndicalistes et de sympathisants de l'ancien régime unis par leur opposition aux islamistes d'Ennahda. C'est pourtant avec ces islamistes que Nidaa Tounès s'est allié après ses succès électoraux de 2014, au grand dam de certains de ses électeurs.
Dans la seconde partie de son mandat, à l'approche des nouvelles échéances électorales, son entente avec le leader d'Ennahda, Rached Ghannouchi, s'est toutefois dégradé, jusqu'à leur divorce, à la fin de l'année dernière, en 2018.
Parallèlement, Nidaa Tounès s'est déchirée sous l'effet de luttes de pouvoir, tandis que le jeune Youssef Chahed, que Béji Caïd Essebsi a propulsé à la tête du gouvernement, s'est émancipé et a lancé une formation rivale.
Sur le plan sociétal, en ligne avec son héritage bourguibiste, celui qui s'est targué d'avoir été élu "grâce aux femmes" a fait annuler une circulaire empêchant le mariage des Tunisiennes musulmanes avec des non-musulmans.
Béji Caïd Essebsi souhaitait plus largement rester dans l'histoire comme l'artisan de l'égalité entre femmes et hommes en matière d'héritage, obtenant qu'un projet de loi soit présenté au Parlement sur ce sujet délicat, qui touche au texte coranique.
Mais le débat s'est enlisé, à l'approche des élections prévues cette année.
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Bien qu'il ait souvent répété que le respect des droits humains était l'un des acquis de la jeune démocratie tunisienne, le président Essebsi n'était pas parvenu à faire taire les soupçons sur son inclinaison à vouloir rétablir des pratiques de l'ancien régime.
Il a été à l'origine d'un projet de loi controversé d'amnistie de personnes impliquées dans la corruption sous la dictature. Face au tollé provoqué, le texte a été revu pour ne concerner que les fonctionnaires accusés d'être impliqués dans des faits de corruption administrative et n'ayant pas touché de pots-de-vin.
Premier chef d'Etat tunisien élu librement au suffrage universel, Béji Caïd Essebsi s'est dit favorable à un régime davantage présidentiel, ce qui impliquerait une révision de la Constitution promulguée en 2014, l'un des grands acquis de la période post-révolution du Jasmin.
Tout en assurant être le garant de la liberté de la presse, il a parfois affiché son incompréhension -voire son courroux- contre les critiques de certains médias.
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Enfin, la place accordée à son fils Hafedh, dirigeant de Nidaa Tounès, a fait polémique, contribuant aux luttes fratricides au sein de ce jeune parti.
Le défunt président a été ainsi soupçonné de vouloir favoriser une succession dynastique, ce qu'il a toujours nié.