Tunisie: l'islamiste Rached Ghannouchi conserve son poste de président du Parlement

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Le 30/07/2020 à 13h45, mis à jour le 30/07/2020 à 14h02

Rached Ghannouchi, chef du parti d'inspiration islamiste Ennahdha, a conservé son siège de président du Parlement, après un vote mouvementé jeudi 30 juillet sur une motion de défiance inédite mettant en évidence les profondes fractures au sein de l'Assemblée élue en octobre.

Ses opposants, aux premiers rangs desquels les anti-islamistes du Parti destourien libre (PDL), n'ont pas réussi à réunir les 109 voix nécessaires pour l'écarter du perchoir.

"C'est une nouvelle victoire de la démocratie en Tunisie", a déclaré Rached Ghannouchi à la presse à l'issue du vote, dont les résultats ont été accueillis par des applaudissements et cris de joie "you-you" de ses partisans.

Sur 217 députés, 133 se sont exprimés, dont 96 pour la motion (16 contre), en l'absence de Ghannouchi, qui s'est vu reprocher sa gestion des débats parlementaires, régulièrement paralysés par l'antagonisme avec le PDL, et une diplomatie parallèle.

C'est la première fois que le Parlement est amené à se prononcer sur son président, dix ans après la révolution qui a chassé du pouvoir Zine el Abidine Ben Ali, et lancé la démocratisation du pays.

Rached Ghannouchi, 78 ans, qui règne sur Ennahdha depuis sa création il y a quatre décennies, est devenu le deuxième personnage de l'Etat en novembre, après avoir brigué son premier mandat électoral lors des législatives d'octobre 2019.

Au Parlement, il s'est retrouvé face à une forte hostilité au sein d'un hémicycle fragmenté.

Il a été critiqué pour avoir eu des échanges au plus haut niveau avec des dirigeants étrangers, alors que la diplomatie est une prérogative du président de la République, et accusé de mener une diplomatie parallèle alignée sur la Turquie.

Il est également sous le feu du PDL de l'avocate Abir Moussi, ex-proche du régime de Ben Ali, qui l'accuse quotidiennement d'avoir encouragé la mouvance jihadiste en Tunisie. Des sits-ins du PDL dans l'hémicycle ont obligé le Parlement à tenir sa plénière dans une annexe.

Une députée du parti nationaliste Chaab qui faisait partie de la coalition gouvernementale sortante avec Ennahdha, Leila Haddad, a indiqué à l'AFP que son parti avait voté contre Ghannouchi, car il a eu "des difficultés à gérer les travaux du Parlement en raison notamment d'un conflit idéologique".

Pour le porte-parole d'Ennahdha Imed Khemiri, cette motion est due à "une hostilité idéologique contre Ghannouchi et contre la démocratie acquise par la révolution".

Le président tunisien, Kaïs Saïed, très critique de la démocratie parlementaire et en froid avec Ennahdha, a mis en garde contre un état de "chaos" au sein du Parlement.

Le vote intervient deux semaines après la démission du gouvernement, alors que le président Kais Saied a nommé un de ses conseillers pour tenter de former un nouveau cabinet susceptible de convaincre le Parlement d'ici un mois. A défaut, M. Saïed pourra dissoudre l'Assemblée élue en octobre dernier.

Ces tensions exaspèrent nombre de Tunisiens alors que le pays, qui peinait déjà à répondre aux attentes sociales de la population, est frappé de plein fouet par le choc économique dû à la pandémie, qui met en péril des centaines de milliers d'emplois, dans le tourisme, le secteur automobile ou aéronautique.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 30/07/2020 à 13h45, mis à jour le 30/07/2020 à 14h02