Tunisie: l’économie au bord du gouffre

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Le 18/02/2021 à 16h19, mis à jour le 18/02/2021 à 20h38

La Tunisie a enregistré une récession de -9,3% et des déficits jumeaux abyssaux. La situation financière du pays est inquiétante après que des créanciers sur le marché américain lui aient refusé le rééchelonnement d’une dette de 500 millions de dollars.

L’économie tunisienne va mal, très mal même. Déjà moribonde depuis une décennie, la crise économique s'est vue aggravée davantage par la pandémie du Covid-19, la rendant même inquiétante, selon l’analyse des indicateurs macro-économiques et monétaires publiés par la Banque centrale de Tunisie (BCT). 

Ainsi, en 2020, la pandémie du Covid-19 a fortement perturbé l’économie tunisienne. Les confinements, les couvre-feux et les fermetures des frontières ont réduit, durant plusieurs mois, l’activité économique, entrainé le quasi-arrêt de certains secteurs d’activité dont notamment le tourisme, un des secteurs stratégiques du pays, et fait chuter les exportations du pays. Conséquence, la Tunisie a enregistré une récession de -9,3%, soit l’une des pires enregistrées aussi bien au Maghreb qu'au niveau du continent africain. Du coup, les pertes d’emplois ont été nombreuses avec un taux de chômage qui devrait tourner autour de 20%.

Par ailleurs, le pays fait face à des déficits jumeaux qui ne cessent de s’aggraver. Ainsi, le déficit budgétaire, à fin novembre 2020, ressortait à -7,1 milliards de dinars, contre 3,72 milliards de dollars, alors que celui du compte courant se situait à -7,5 milliards de dinars, soit 6,8% du PIB.

Conséquence, la situation financière du pays est délicate. Pour financer le budget, la Tunisie a fortement recouru à l’endettement extérieur. Une situation qui a explosé l’endettement du pays dont l’encours a atteint un niveau record de 91,8 milliards de dinars, en hausse de 11,2%. Du coup, et du fait du fort recul du PIB, le taux d’endettement a dépassé les 90% du PIB. Ainsi, la charge du service de la dette est devenue lourde et pèse fortement sur le budget de l’Etat. En 2021, le service de la dette s’élèvera à 16 milliards de dinars, contre 11 milliards en 2020.

Une situation aggravée par le refus des créanciers de rééchelonner une dette de 500 millions de dollars émises sur le marché américain. C’est dire que le pays est au bord de la défaillance.

Face à cette situation, le ministre des Finances, Ali Kooli, a annoncé dernièrement que la Tunisie compte emprunter 5 milliards de dollars en 2021 sur le marché extérieur pour financer son budget. Seulement, dans ces conditions, le pays se présente aux investisseurs en tant que pays à risque élevé et ne devrait pas bénéficier des taux de rendement favorables.

Et pour ne rien arranger, les investissements directs étrangers (IDE) ont baissé de 28,8% en 2020, à cause certes de la pandémie, mais aussi et surtout de la perte d’attractivité de la Tunisie comme pays de destination des investissements. L’instabilité politique, l’insécurité, la crise économique et les tensions sociales sont autant de facteurs qui font que la Tunisie ne figure plus sur les radars des investisseurs en tant que choix prioritaire.

En clair, la situation s’annonce difficile pour ce pays maghrébin pour les mois à venir. Et le Fonds monétaire international (FMI) qui a accordé d’importants prêts à la Tunisie au cours de ces dernières années exige désormais que des réformes structurelles soient menées pour sortir le pays du marasme. Outre les privatisations d’entreprises publiques déficitaires, l’institution recommande surtout la baisse de la masse salariale et donc de la réduction du nombre pléthorique de 650.000 fonctionnaires qui représentent 6% de la population.

La masse salariale représente, à elle seule, 15% du PIB du pays actuellement, contre 10% avant la révolution, et absorbe une grosse partie du budget. Entre la masse salariale et le service de la dette, il ne reste pas grand chose du budget pour financer l’investissement public nécessaire à la reprise d’une économie dont les acteurs privés ont été fortement échaudés par la crise sanitaire.

Dans tous les cas, et malgré la situation sociale explosive, le gouvernement tunisien n’aura le choix que d’accepter le dictat du FMI pour bénéficier de nouveaux prêts indispensables de l’institution pour faire face à une situation financière intenable.

Par Karim Zeidane
Le 18/02/2021 à 16h19, mis à jour le 18/02/2021 à 20h38