Les besoins financiers de la Tunisie se font sentir de manière inquiétante. Si les autorités sont arrivées, jusqu’à présent, à régler les salaires des fonctionnaires de la fonction publique, des craintes d’un défaut de paiement du service de la dette ne sont pas à écarter si le gouvernement n’arrive pas à trouver des fonds nécessaires pour financer le budget de l’Etat. D’ailleurs, selon Moody’s, qui a dégradé la note du pays de B3 à Caa1, «si un financement important n’est pas assuré, la Tunisie risque un défaut de paiement de sa dette».
A défaut de trouver des financements adéquats, la situation sera donc plus que tendue dans les semaines à venir. Et malheureusement, tout semble indiquer que la situation risque de ne pas évoluer dans le bon sens tant que le président Kaïs Saïed continuera à maintenir les mesures exceptionnelles prises le 25 juillet dernier, particulièrement celle de la suspension de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP).
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Ainsi, pour l’Union européenne, la situation est claire. En effet, selon le Parlement européen, tout soutien financier à la Tunisie doit être accompagné par un rétablissement des travaux de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) et du respect de l’Etat de droit et des droits civils et humains. En clair, l’Union européenne ne rouvrira pas les vannes tant que le président Saïed ne lèvera pas le gel des travaux du Parlement tunisien.
Même son de cloche chez les Américains qui comptent même revoir leur aide militaire. Ainsi, la commission des crédits du Sénat américain a souligné que l’attribution de crédit entrant dans le cadre du programme américain d’aide internationale à la sécurité et de l’assistance économique bilatérale à la Tunisie serait tributaire de plusieurs conditions. A ce titre, le secrétaire d’Etat doit présenter un rapport dans un délai de 45 jours aux comités des crédits du Sénat.
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Et selon l’activiste politique Abdelwaheb El Heni, le Congrès américain a même demandé au ministre des Affaires étrangères de sursoir au versement des aides en attendant de fournir un rapport pour savoir s’il y a eu, ou non, une implication de l’armée tunisienne (bouclage de l’ARP et des institutions de souveraineté, jugement des opposants et activiste,…) dans ce qu’ils considèrent comme un retournement contre la démocratie.
Face à cette situation, la Tunisie s’est tournée vers les pays du Golfe, particulièrement vers les Emirats arabes unis et l’Arabie saoudite, afin de pouvoir disposer des ressources financières nécessaires au fonctionnement de l’Etat, sous formes de dons, d’investissements ou de dette. Mais, dans le contexte actuel, rien n’est acquis. Les soutiens de ces pays du Golfe ne sont pas automatiques et sont parfois conditionnés au feu vert des Etats-Unis et de l’Union européenne.
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Quant aux négociations avec le Fonds monétaires internationales (FMI), elles sont en attente du programme de réformes du gouvernement de la nouvelle Première ministre Najla Bouden. Et rien ne dit que les deux parties arrivent à s'accorder rapidement, sachant que la Tunisie est accusée de ne pas avoir respecter ses engagements antérieurs en matière de réformes.
L’institution financière mettant l’accent sur la réforme de la fonction publique et notamment la réduction de ses effectifs pléthoriques (et donc d'une masse salariale énorme), le désengagement de l’Etat des entreprises publiques déficitaires qui constituent des gouffres financiers, la réduction des subventions de l’Etat sur de nombreux produits… Autant de réformes que les autorités ont du mal à mettre en place par craintes de tensions sociales.
Bref, le président tunisien et son gouvernement ont du pain sur la planche pour trouver les ressources financières nécessaires pour boucler le budget 2021. Et plus les mesures exceptionnelles prises par le président perdurent, plus les ressources financières se raréfient et plus la situation devient intenable.