Comme il fallait s’y attendre, l’agence de notation Moody’s vient de dégrader la note souveraine de la Tunisie. Celle-ci a annoncé ce jeudi matin avoir abaissé la note souveraine du pays de B3 à Caa1 tout en maintenant les perspectives négatives. Par ailleurs, Moody’s a aussi annoncé avoir abaissé la note senior non garantie de la Banque centrale de Tunisie (BCT) de ”B3” (très spéculatif) à ”Caa1” (risque élevé) et a maintenu la perspectives négative, en soulignant que l’institution est légalement responsable des paiements des obligations émises au nom de l’Etat tunisien.
Moody’s justifie cette dégradation de la note du pays par la fragilité de la gouvernance et l’incertitude accrue quant à la capacité du gouvernement à mettre en place des mesures à même de permettre à la Tunisie de pouvoir accéder au financement pour faire face à ses besoins de financement que l’agence juge élevés pour les prochaines années.
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«Les plafonds de la Tunisie ont été abaissés d’un cran. L’écart de trois crans par rapport à la notation souveraine reflète l’affaiblissement des institutions, une empreinte croissante du secteur public, des contraintes de compétitivité externe et un environnement politique et social qui entrave l’environnement des affaires», souligne l’agence.
Ainsi, selon Moody’s, si un financement important n’est pas garanti, une forte pression sur les liquidités peut entraîner un défaut de paiement.
En attendant, ce risque est atténué par le niveau des réserves de change du pays qui garantissent les paiements à venir du service de la dette extérieure à court terme.
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La Tunisie traine un encours de dette extérieure de 111 milliards de dinars en 2020, soit 33,3 milliards de dollars (1 dollar valant 2,83 dinars tunisiens). Le taux d’endettement du pays ressort à 104,6% du PIB en 2020, contre 98,3% en 2019 et moins de 50% en 2010, à la veille de la révolution. En 2020, le service de la dette extérieure s’est établi à 8,43 milliards de dinars, ce qui représente 21,8% des recettes d’exportation ou 15,9% des recettes courantes.
Et cette dette ne fait qu’augmenter du fait de la détérioration des finances publiques avec un déficit budgétaire évoluant entre 8 et 9% du PIB. Et dernièrement, la banque africaine de développement (BAD) soulignait que le fait que les deux-tiers de cette dette publique soient d’origine extérieure fait planer un risque de change important sur les finances publiques de la Tunisie.
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Et pour financer ce déficit, l’ancien gouvernement tunisien avait annoncé un emprunt de 18,6 milliards de dinars tunisiens dont 5,6 milliards sur le marché intérieur et 13 milliards sur le marché extérieur pour financer son budget 2021. Toutefois, en l’absence d’accord avec le FMI et face à la dégradation de la situation politique et économique et en l’absence de visibilité, le pays n’a pas pu faire des sorties sur le marché international des capitaux. Et avec la dégradation de sa note, toute sortie sur le marché des capitaux se fera dans des conditions de taux très défavorable au moment où le risque de défaut de paiement est avancé.
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Ainsi, le nouveau gouvernement tunisien fait de l’économie sa priorité. Après une récession de -8,8% en 2020, à cause de la pandémie du Covid-19, l’économie tunisienne devrait afficher une reprise molle de 3% en 2021 et 3,3% en 2022, selon les projections des institutions internationales. Dans l’immédiat, il doit faire face à trois défis: la détérioration de ses finances publiques (déficit budgétaire entre 8 et 9% du PIB), la dégradation de sa notation et l’absence d’un programme avec le FMI qui empêche le pays d’obtenir de nouveaux financements de l’institution financière. En tout cas, Moody’s est clair, «si un financement important n’est pas assuré, la Tunisie risque un défaut de paiement de sa dette».