Badreddedine Aloui, 27 ans, est décédé après s'être engouffré par la porte de l'ascenseur qui s'était ouverte alors qu'il n'y avait pas de cabine, selon un médecin témoin interrogé par une radio privée tunisienne. Il a fait une chute de plusieurs mètres.
Ce drame dans un ascenseur -- resté en service malgré par une défaillance signalée depuis plusieurs années -- dans un hôpital de la région de Jendouba (nord-ouest) visité ces derniers mois par deux ministres, a déclenché un tollé sur les réseaux sociaux, et plusieurs manifestations vendredi.
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"Un jeune médecin est mort des suites de ces négligences", a déploré Zakaria Bouguerra, membre de l'Organisation tunisienne des jeunes médecins (OTJM), qui a appelé à la grève.
"La santé publique, c'est (...) une accumulation de système D, de malversations, de corruption, de mauvaise gestion", a-t-il déclaré l'AFP.
Comme lui, des centaines de médecins, internes et salariés du secteur ont manifesté devant le ministère de la Santé à Tunis, réclamant le limogeage du ministre, a constaté l'AFP.
Une manifestation a aussi eu lieu devant la faculté de Sfax (centre-est).
Ces mobilisations s'ajoutent à des dizaines d'autres ces dernières semaines, dans les régions les plus marginalisées du pays, pour réclamer un soutien de l'Etat.
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Les tensions sociales sont palpables à l'approche du dixième anniversaire de la révolution, déclenchée par le soulèvement le 17 décembre 2010 d'une ville défavorisée, Sidi Bouzid, où les habitants ont défié le pouvoir pour réclamer liberté, travail et dignité.
Peu de réformes ont abouti, la liberté politique n'a pas été accompagnée d'améliorations sociales, et la pandémie a exacerbé les difficultés, frappant de plein fouet le secteur clé du tourisme et détruisant des dizaines de milliers d'emplois.
Le pays fait face à un recul historique du Produit intérieur brut (PIB) à -7% en 2020, selon les prévisions du FMI.
Sit-in, grèves, manifestations
Après des semaines de blocage de la production de pétrole du Sud tunisien, le gouvernement est parvenu fin octobre à un accord avec des habitants de Tataouine (sud), promettant des emplois et des investissements dans cette région à l'orée du Sahara.
Dans la foulée, les sit-in, grèves et manifestations se sont multipliés, de Béjà (nord-ouest) à Gabès (centre-est), en passant par Kasserine, ou Kairouan (centre), où tous les commerces de la ville sont restés fermés jeudi.
Le gouvernement de Hichem Mechichi, arrivé au pouvoir après plusieurs échecs à former un cabinet, et le limogeage d'un exécutif qui n'avait gouverné que cinq mois, est fragile en raison de la fragmentation du Parlement, qui rend difficile la création d'une coalition gouvernementale.
Cette valse des gouvernements et l'inertie de l'administration ont entravé la gestion des services essentiels au quotidien: entretien des routes ou des réseaux d'eau, ramassage des ordures, etc.
Comme le décès d'une jeune fille tombée dans une bouche d'égout le mois dernier, le décès du médecin illustre dramatiquement ces carences.
A Jendouba, "il y a six ascenseurs en panne à l'hôpital, et un seul fonctionnel, ça fait des mois qu'on a pas de directeur à l'hôpital", a déploré la députée de la région, Chadia Hafsouni, du parti libéral Qalb Tounes.
"M. le ministre, vous nous avez rendu visite et vous n'avez rien fait", a-t-elle accusé, appelant à une grève générale.
Le ministre de la Santé, Abdellatif Mekki, du parti islamiste Ennahdha, allié à Qalb Tounès, s'était rendu à l'hôpital de Jendouba en mai.
Son successeur, Faouzi Mehdi, qui a lui aussi visité l'établissement le 3 octobre, et avait alors annoncé des mesures, a reconnu en pleurant devant le Parlement qu'il avait été informé des pannes d'ascenseurs.
"Le secteur de la santé paie la facture de choix erronés cumulés depuis des années. Il y a un manque d'équipement dans tous les hôpitaux", a-t-il fait valoir.