Le drame a eu lieu dans la nuit dans le village de Egbekaw (région du Sud-Ouest). « On a eu des hommes, des femmes et des enfants, plus d’une vingtaine tués, c’est inadmissible ! », a déclaré à l’antenne de la radio publique Mengot Victor Arrey-Nkongho, ministre Chargé de mission à la présidence de la République.
Depuis fin 2016, un conflit meurtrier oppose des groupes armés indépendantistes aux forces de sécurité, accusés chacun de crimes contre les civils par les ONG internationales et l’ONU, dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, peuplées principalement par la minorité anglophone de ce pays d’Afrique centrale majoritairement francophone.
En plein milieu de la nuit, «les terroristes» ont attaqué «au moyen d’armes à feu et d’armes traditionnelles, il y a une vingtaine de morts et sept grièvement blessées, une dizaine de maisons brûlées», a détaillé à la radio publique Viang Mekala, le préfet du département de la Manyu où est situé Egbekaw.
Les médias d’Etat ont attribué l’attaque aux rebelles séparatistes appelés systématiquement «terroristes» par les autorités.
- Biya, 41 ans au pouvoir -
«Cela s’est passé à 04h00 du matin. Des jeunes gens armés sont venus et ont tiré sur les habitants endormis dans leurs maisons et mis le feu à tout un pâté de maisons», a raconté à l’AFP par téléphone un habitant du village qui a requis l’anonymat pour des raisons de sécurité.
«On a déjà sorti 23 personnes des décombres dont certains ne sont même pas reconnaissables à cause de l’incendie », a-t-il poursuivi.
«On peut penser que c’est lié au 6 novembre, date anniversaire de l’accession du président Paul Biya au pouvoir», estime cet habitant, qui ajoute: «un meeting du RDPC (Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais, le tout-puissant parti présidentiel, NDLR) était prévu dans les environs», avance-t-il.
Le Cameroun, peuplé de près de 30 millions d’habitants, est dirigé d’une main de fer depuis 41 ans jour pour jour par le président Paul Biya, âgé de 90 ans.
- Accusés de «collaborer» -
Les rebelles, qui se font appeler les «Ambazoniens» (du nom d’une «Ambazonie» dont ils ont proclamé unilatéralement l’indépendance en 2017), s’attaquent fréquemment à des civils qu’ils accusent de «collaborer» avec Yaoundé.
Les forces de sécurité sont également régulièrement accusées par les ONG internationales et l’ONU de « bavures », tueries et autres tortures sur des civils qu’elles soupçonnent de sympathiser avec les rebelles.
Le 4 octobre, deux villageois ont ainsi été exécutés publiquement sur le marché du village de Guzang, dans le Nord-Ouest, par un groupe qui les accusait de renseigner l’armée. Les rebelles se livrent aussi à des kidnappings de civils accusés, ou non, de «collaborer», et qui se résolvent dans la plupart des cas par le paiement de rançons.
Début juillet, Amnesty international s’était de nouveau alarmée d’«atrocités» dont sont victimes les civils, énumérant des «exécutions extrajudiciaires», «homicides», y compris de femmes et d’enfants, « tortures» et «viols», perpétrés par les séparatistes armés comme par des membres des forces de sécurité.
Le conflit avait éclaté fin 2016 après que Paul Biya eut fait réprimer violemment des manifestations pacifiques d’anglophones dans les deux régions, qui s’estimaient ostracisés et marginalisés par le pouvoir central dans cette ancienne colonie française. Depuis, le chef de l’Etat, intraitable, y dépêche massivement des troupes.
Le conflit a fait plus de 6.000 morts et forcé plus d’un million de personnes à se déplacer, selon International Crisis Group (ICG).